Résumé : Dans cette présentation, je me propose de décrire les débuts de thérapie d’une patiente schizoïde. J’entends par schizoïde, au sens lowenien du terme, le profil psychologique d’une personne ayant subi dans son enfance un niveau de maltraitances tel qu’il empêche l’acquisition du moindre sentiment de sécurité intérieure. Ces personnes peuvent survivre psychologiquement en mettant en place un système défensif massif, sans pour autant perdre le lien avec la réalité, ce qui aurait pour conséquence un passage dans la schizophrénie. Elles peuvent alors s’intégrer socialement mais au prix de sentiments d’angoisse et d’anxiété extrêmes.
Au travers du parcours de cette première année de thérapie, une place sera faite à l’histoire de Mariette, à son profil clinique, aux étapes du traitement ainsi qu’aux outils thérapeutiques utilisés. Je relaterai la co-construction progressive du lien ayant ouvert la voie à un véritable travail thérapeutique. Je ferai également part de mes propres interrogations, compréhensions mais aussi angoisses et difficultés qui ont jalonné ce processus. Enfin je présenterai quelques exercices d’énergétisation.

MARIETTE OU « UN SI BEAU COURAGE ! »

Robert FAURY, © 2001

 Publié dans la revue des sociétés francophones d’Analyse Bioénergétique « Le corps et l’analyse », Volume 3, Printemps 2002.

Premier contact. Mariette est là, avance, s’assied en face de moi et j’éprouve tout de suite un sentiment pénible, un malaise très fort qui me fige dans une espèce d’immobilité psychique. Je n’entends plus rien, je ne sens plus rien, je ne comprends rien, plus de fluidité en moi, plus de légèreté, plus d’aisance ou quelque chose qui puisse ressembler à un sentiment de vivre. Je ne vois que son visage blanc, livide et ses traits tirés dans une expression de souffrance extrême. Je réaliserai très vite que j’ai peur, que dis-je, que je suis terrorisé comme si je partageais d’emblée une menace qui me dépassait, difficile à maîtriser.

Présentation

Les raisons de sa décision d’entreprendre une thérapie

Mariette a 28 ans quand elle prend rendez-vous avec moi en ce mois de février. Ce n’est pas un hasard si elle a choisi mon nom dans l’annuaire : elle a déjà lu plusieurs livres de A. Lowen, elle connaît W. Reich. Elle a beaucoup appris, compris avec sa tête et son intelligence est remarquable. Cela ne l’empêchera pas à l’automne dernier de sombrer dans une bouffée délirante aiguë qui la conduira pour un séjour de deux semaines en hôpital psychiatrique. Délires intenses, hallucinations déroutantes, dépendance soudaine à une médication élevée : le choc est extrême, soudain, inattendu. Je pense qu’il a été salutaire, en tout cas décisif dans sa décision de demander de l’aide. Mariette me dit se savoir malade. Elle attend de moi que je l’aide à sortir de l’impasse dans laquelle la vie l’a amenée, maintenant qu’elle sait ne pouvoir y parvenir toute seule.

 

Descriptif clinique

 Lecture corporelle : Mariette est plutôt petite (1,60 m environ) et donne d’emblée une impression de maigreur. Impression trompeuse : en sous-vêtements, elle ne m’apparaîtra pas aussi maigre que j’avais pu l’imaginer : sa carrure est certes très menue, mais elle n’est pas maigre. Elle apparaît plutôt comme serrée dans son propre corps, comme emmurée dans ses propres tissus et dans ses muscles, notamment au niveau de la cage thoracique. Elle fait penser au corps d’une jeune adolescente encore pubère. Ses bras et ses jambes, plus potelées dans leur partie inférieure, me font penser à des poutres prises et vissées dans le reste du corps. Son visage d’un ovale hexagonal, avec ses contours rectilignes, ses traits saillants tirés vers le bas infèrent les contractions extrêmes qui le sous-tendent, notamment au niveau des mâchoires. Son visage apparaît enserré lui aussi, pris dans un étau imaginaire. Sa blancheur surprend et fait penser à un visage de cire. Son sourire persistant, même lorsqu’elle parle de choses douloureuses, lui donne un air « d’être dans un autre monde », quelque chose de « sur-naturel ».

Dans sa posture assise, elle se tient légèrement repliée sur elle-même, comme ramassée. Elle me décrira tout de suite son corps « très rigide, sans souplesse aucune, avec des articulations dures et qui manquent de flexibilité ». Sa tête, son cou et ses épaules semblent coulés en un même bloc et évoluent ensemble.

Je dois aussi mentionner une odeur âcre qui augmentait au fur et à mesure de la séance. Cette odeur semblait provenir d’une transpiration très importante en relation avec le stress qu’elle vivait dans son corps.

Aspect psychologique : J’observe tout de suite une justesse dans la représentation qu’elle se fait d’elle-même et une profonde honnêteté dans sa façon de m’en parler. Je perçois une rigueur appuyée dans les mots et les observations dont elle use pour décrire ce qu’elle sent, ce qu’elle éprouve ou bien encore pour se représenter. Sa grande lucidité sur elle-même, alliée à son honnêteté, me touchent et semblent permettre une cohérence du discours. Elle exprimera tout de suite une très vive inquiétude que je ne puisse rien pour elle, ajoutant : « je sais que mon cas est très grave ».

Aspect énergétique : Son corps semble peu investi. Elle respire à minima, juste ce qu’il faut pour survivre ; et j’imagine que cette énergie est aussitôt récupérée par sa tête, tant Mariette est sans cesse dans la parole et la réflexion. Les premières séances se borneront à cela : elle parle, décrit, analyse… comme pour m’intéresser à tout prix, m’accrocher, me convaincre qu’elle a sa place ici, avec moi, dans un travail thérapeutique.

Quand je lui proposerai d’amplifier volontairement sa respiration, elle s’y prêtera sans difficultés. Mais elle n’arrivera pas à gonfler son ventre et la dilatation de sa cage thoracique restera très limitée, la proéminence de ses côtes faisant ressortir davantage encore son aspect corseté.

Mariette perçoit peu de sensations dans son corps, si ce n’est une douleur à l’intérieur qui lui est parfois insupportable, mais qu’elle ne saura me décrire davantage. Elle évoquera rapidement de fréquentes douleurs au niveau de la nuque, qui me feront entrevoir de fortes tensions destinées à bloquer les sensations en direction du cerveau. Peu d’émotions visibles lors de notre premier contact. Je percevais cependant une très forte angoisse contenue, qui pouvait à de rares moments déborder en rougissements qu’elle semblait vouloir masquer en portant les mains sur son visage. Comme la partie émergée d’un iceberg, et qui pouvait laisser deviner une tempête émotionnelle fortement comprimée à l’intérieur. Une énergie investie pour couper la perception de ses sensations, pour retenir émotionnellement, et pour, dans le même temps, « se compacter » en se rassemblant sur elle-même. L’énergie restante, plus fluide, semblait canalisée essentiellement vers le cerveau pour réfléchir, penser, deviner, observer, parler… Voilà comment Mariette m’est apparue dans la prise de contact de ces premières séances. Dans ses mécanismes de défense, je pouvais ainsi observer d’emblée que Mariette mobilisait la dynamique défensive décrite par A. Lowen à propos de la personnalité schizoïde. Il note à ce propos : « Le schizoïde mobilise toutes ses facultés mentales dans cette lutte pour la survie. En effet, il est nécessaire pour la survie que l’esprit exerce sur le corps une maîtrise et un contrôle absolus »1. A propos du processus défensif corporel, A. Lowen ajoute « …c’est de sa volonté qu’il dépend pour maintenir l’unité de sa personnalité. Pour y arriver il doit tenir constamment en activité sa volonté. Sa musculature est donc continuellement en état de contraction. L’état spasmodique de la musculature explique la rigidité caractéristique du corps schizoïde, qui joue alors le rôle de barrière contre la terreur »2.

 

Son histoire

Mariette est la seconde d’une famille de 3 enfants. Laurent, de 5 ans plus âgé, est né d’un autre père. Il ne comprendra pas pourquoi sa mère se détourne brusquement de lui en rencontrant un autre homme qui allait devenir très rapidement le père de Mariette. Empreint d’une jalousie féroce à son égard, Mariette représentera dans le même temps sa seule source de chaleur. Mariette vit dès sa naissance dans un milieu insécure et très perturbé, entre une mère atteinte d’une psychose maniaco-dépressive nécessitant de fréquents séjours en institution psychiatrique, et un père très marqué par son passé de soldat pendant la guerre d’Algérie. Marginal, caractériel, ayant de profondes tendances dépressives, ce père pouvait aussi être débordé par de violents accès de fureur. Le couple est en dispute permanente et les voisins sont très souvent appelés à la rescousse pour apaiser la situation. Ils vivent d’expédients et habitent une maison à l’écart du village. Les enfants ne seront intégrés dans la vie communautaire que plus tard par le caractère obligatoire de l’école. Rémi, de six ans son cadet, naîtra de cette union.

De sa naissance à son entrée à l’université vers 18 ans, Mariette ne semble avoir retenu que les souvenirs de survie dans un état d’alerte permanent, où la menace de la violence mais aussi de la mort rôde en permanence. Sévices, violences, rejets, humiliations, rien ne lui sera épargné. De la part de ses parents et de sa mère en particulier, de la part de Laurent, mais aussi de la part de l’institution scolaire où Mariette fait figure de bouc émissaire tout désigné. J’ai été touché par autant de maltraitance, et sûrement que la pudeur avec laquelle Mariette a parlé de ce passé douloureux, rendait son récit encore plus pathétique. Elle en parlait du bout des lèvres et il me faudra beaucoup de persévérance et de patience pour qu’elle consente petit à petit à le partager avec moi.

Le père se suicidera avec un fusil de chasse alors qu’elle a 17 ans, mais Mariette observatrice et raisonnante doute toujours et pense plutôt que sa mère a mis ses menaces à exécution. Sa mère a été internée définitivement en hôpital psychiatrique et Mariette refuse tout rapport avec elle depuis, malgré les appels culpabilisants des infirmières. Laurent a lui aussi été placé définitivement en hôpital psychiatrique à sa sortie de l’adolescence avec le diagnostic de psychopathe violent. Mariette continue toujours à éprouver de la terreur à l’idée qu’il pourrait un jour chercher à la retrouver. Son jeune frère, handicapé moteur, est le seul qui sera placé en famille d’accueil à partir de la puberté. Il perçoit une pension d’invalidité et vit en appartement individuel sous la surveillance d’un hôpital de jour. Présenté par Mariette comme le seul membre relativement épargné de la famille avec qui elle pouvait garder des contacts, la survenue d’une brutale bouffée délirante aiguë ces dernières semaines, plongera Mariette dans une angoisse très forte et une remémoration douloureuse de son propre passage à l’hôpital psychiatrique.

Tous vivent aujourd’hui à plus de 500 kilomètres de Mariette. Nul doute que son sur-investissement cognitif et intellectuel pour anticiper, prévoir dans le but de s’adapter et de survivre dans un milieu dangereux, lui a ensuite permis de construire des capacités mises à profit pour se libérer, se protéger par le savoir, la connaissance, l’instruction. Nul doute aussi que le  fait d’avoir choisi de faire du droit n’était pas si innocent, elle qui n’en avait aucun. Elle poussera ses études de droit jusqu’à la maîtrise qu’elle réussira.

Ses aventures amoureuses l’amèneront vers des garçons qui se révèleront être possessifs, jaloux et violents. Elle dira de l’un d’entre eux qu’il cumulait les traits de son père, de sa mère et de son frère aîné. Mariette vit maintenant depuis plus de cinq ans avec un homme de son âge, qu’elle décrit « stable, prévisible, sécurisant », tout en regrettant « qu’il ne soit pas assez profond pour qu’elle puisse discuter davantage avec lui », et qu’il ne puisse sentir sa véritable difficulté à vivre. Tout de suite, elle précisera être parfaitement consciente de ne pouvoir vivre seule.

Son expérience professionnelle s’avère assez réduite : elle occupera un poste de surveillante dans un internat durant deux ans. Expérience difficile où elle renouera avec le rôle de bouc émissaire et qu’elle sera amenée à interrompre d’elle-même tant la pression de son supérieur était forte. Pour le reste, Mariette alterne chômage et stages de formation.

 

Observation clinique : Le déroulement de la thérapie

La construction du lien

 Mariette acceptera de s’engager dans la thérapie à raison de deux séances par semaine (sur ma demande), avec un tarif adapté à sa situation personnelle. Elle percevait le RMI (revenu minimum d’insertion) et attendait la confirmation pour un contrat emploi-jeune qui devait lui assurer un travail pour cinq ans.

Dès ses premières séances, Mariette parlera beaucoup, sans s’arrêter, et avec j’imagine une grande concentration tant son propos est construit, cohérent, riche. Son regard est toujours fixement posé sur moi, souvent accompagné de sourires brefs et qui semblent défensifs, comme s’ils voulaient tenir l’émotion à distance. Mariette livrera d’abord les souvenirs de ses expériences délirantes durant son internement psychiatrique. Ces souvenirs débouchent le plus souvent sur l’émergence de quelques fragments du vécu de son enfance, qui évoquent « la folie » selon ses propres termes. Je la confirmerai dans cette dénomination de folie familiale et je prendrai aussi acte de toute la difficulté pour survivre et se développer dans cet univers-là. Mariette entreprend un travail sur elle-même pour la première fois, elle n’a jamais pu parler de ses souffrances auparavant avec qui que ce soit. Je sens un très fort besoin d’être entendue, écoutée, reçue. Je suis là, je la regarde, je l’écoute, je l’accueille et je sens peu à peu un début de lien s’amorcer entre nous.

Mariette revient régulièrement sur l’appréhension que lui inspire son emploi à venir, sa peur de ne pouvoir tenir, sa crainte de ne pouvoir « faire l’affaire » pour son futur responsable qu’elle connaît depuis peu, et qui vient justement de renvoyer une employée à cause de ses problèmes psychologiques. Je l’écoute, je la soutiens, toujours vigilant à séparer un imaginaire tourné vers la répétition des scénarios redoutables du passé de l’observation de la réalité présente.

Mariette est toujours dans le verbal : elle me pose beaucoup de questions sur sa maladie, ses symptômes, comme si j’étais médecin… elle veut comprendre et se rassurer qu’elle peut évoluer et s’en sortir, ce dont elle dit n’avoir jamais douté au fond d’elle-même. Je détecte rapidement un besoin de comprendre d’abord intellectuellement ce qu’elle fait, ce qui se passe en elle, pour pouvoir se laisser aller davantage au processus thérapeutique. C’est un besoin incontournable pour elle, en ce début de thérapie, que de comprendre consciemment pour pouvoir apprivoiser et contenir une méfiance profondément enracinée en elle, et qui semble entièrement régenter son inconscient. Mariette s’est réfugiée dans son mental pour survivre, et il ne sera pas si aisé de l’amener à délaisser le discours et la réflexion pour travailler avec son corps en ce début de thérapie.

La première fois, je lui propose de marcher tranquillement dans la pièce, d’enfoncer tout doucement ses pieds dans la moquette, et de les relâcher à la façon d’un chat qui fait ses griffes. Elle se sent aussitôt rigide, parle de « sensations bizarres, d’irréalité », se remémore instantanément les heures qu’elle passait « clouée sur sa chaise » quand elle était petite en attendant qu’on lui donne l’autorisation d’en descendre… Mais aussi plus tard, quand au lycée elle trouvait toujours un prétexte pour sécher les cours de gymnastique, tant étaient grandes ses difficultés à sentir et à faire bouger son corps.

Mariette respire à minima. L’énergie semble en partie accaparée par son cerveau : un mental fonctionnant à plein régime pour observer, analyser, comprendre, prévoir et pouvoir ainsi anticiper et s’adapter à un environnement hostile. L’autre partie de l’énergie semble être canalisée pour entretenir des tensions très fortes englobant l’ensemble du corps, pour le maîtriser en le figeant, mais aussi lui permettre de tenir ensemble, de ne pas éclater.

Au départ, avec prudence et en prenant mon temps, j’axe le travail vers la prise de conscience de son corps et une énergétisation plus importante. J’obtiendrai ceci par un travail de centration sur soi à partir de la position de base : debout, pieds parallèles, genoux légèrement fléchis, les épaules relâchées et la tête étirée vers le haut pour bien dénouer les vertèbres cervicales. Et ainsi, dans cette posture, lui demander de se laisser aller à respirer consciemment pendant quelques minutes. En même temps, je lui suggère de délaisser ses pensées et ses réflexions pour venir contacter sa vie intérieure : successivement les mouvements de son corps et notamment ceux impliqués par la respiration, puis les sensations présentes, ensuite les émotions et les affects, et enfin les fantasmes, les fantaisies qui peuvent émerger spontanément à la conscience ; voir enfin s’il a été facile ou pas de mettre à distance les pensées, ou si celles-ci sont restées envahissantes pendant la durée de l’exercice. Ce travail de centration sur soi peut être effectué de la même façon en position assise ou allongée. Cette position de base implique toujours à mes yeux un état énergétique optimum pour l’organisme : dépenser le minimum d’énergie (tensions musculaires et blocages articulaires à minima compte tenu des limites impliquées par la structuration psychique du sujet à un moment donné) tout en prenant le maximum d’énergie à partir d’une respiration ample, régulière et continue. J’associe le plus souvent à ce travail de centration sur soi un exercice de respiration qui soutiendra davantage la prise d’énergie (voir quelques exercices de respiration en annexe).

Le travail de centration sur soi lui révèlera toute sa difficulté à rester en contact consciemment avec son corps, comme si « lâcher » la pensée la remettait aussitôt en situation de danger. Petit à petit, elle se laissera aller de plus en plus longuement à sentir, à éprouver, à fantasmer, et même à partager avec moi ce vécu intérieur, comme je l’y encourageais à chaque fois à la fin de l’exercice. Elle s’habituait ainsi à sa corporalité, elle se familiarisait peu à peu avec ses propres réactions organiques.

L’amplification de sa respiration dans les exercices lui donnera au début des vertiges et des fourmillements dans la tête. Cela semblait confirmer l’orientation privilégiée donnée à cette énergie supplémentaire, mais aussi l’incapacité dans laquelle se trouvait son corps de gérer correctement ce supplément d’énergie. Progressivement, ces symptômes finiront par s’atténuer, puis par disparaître.

Ainsi, au bout de deux mois environ, Mariette avait toujours autant besoin de tout comprendre, mais elle pouvait se laisser aller avec de plus en plus de facilité à travailler sur son corps, à sentir et à faire part de ce qui se passait en elle, avec quelque chose de volontaire, d’un désir d’avancer dans sa propre exploration d’elle-même. Un jour, de plus en plus motivée, elle me demanda si elle pouvait faire les exercices de respiration chez elle ; et d’un commun accord, elle accepta de travailler, au début quelques minutes le matin, puis progressivement le midi et le soir, les exercices que je lui apprenais.

Mariette commençait aussi à percevoir la fatigue qui se trouvait en elle, mais que les circuits de la perception trop défaillants, ne lui avaient pas permis de toucher jusqu’à présent. La fatigue constante, les prémices d’un épuisement mais aussi la peur, une peur de plus en plus prégnante. A la même époque, elle prit conscience que finalement, elle vivait « cloîtrée chez elle » comme autrefois attendant sur sa chaise.

Vaincre le stress et les résistances

Un minimum de lien désormais établi, une prise de contact et de conscience paraissant s’amorcer avec son corps, c’est son état de stress extrême qui orienta sûrement alors mon choix pour une stratégie thérapeutique. Mariette évoluait toujours dans chaque séance dans un état permanent de tension extrême, je percevais une panique sous-jacente intensément forte et contenue à grand peine. Elle en souffrait atrocement et s’en plaignait. Ce qui me surprenait le plus en même temps, c’est que cet état semblait faire partie pour elle de quelque chose de naturel, de normal, qui faisait partie intégrante de sa personne, et qu’elle n’envisageait même pas de pouvoir supprimer un jour. Elle le subissait comme faisant partie de sa destinée, de son chemin de croix, ajoutant même « C’est comme çà, je ne serai jamais comme les autres ! » En même temps, Mariette avait parfaitement conscience que son état ne lui permettrait pas de pouvoir s’adapter à une activité professionnelle. Sans le lui dire, je partageais son doute : je me demandais effectivement comment elle allait pouvoir se rendre disponible pour apprendre, recevoir des adhérents et les renseigner, gérer leur dossier, s’intégrer dans une équipe, autant de tâches qui allaient lui être demandées dans son travail de technicienne dans une association d’aide pour locataires en difficultés. Mais je me demandais également comment elle allait pouvoir intégrer le vécu et les apports d’une thérapie, alors que son état de panique mobilisait la quasi totalité de son énergie.

Ainsi, à postériori, je réalise que mes objectifs majeurs de cette première période ont porté sur trois orientations qui se confortaient mutuellement : continuer à renforcer le lien entre nous, vaincre ses résistances, et surtout réduire son stress qui représentait à mes yeux une véritable entrave au travail thérapeutique tant il était fort.

J’optais pour continuer dans la voie que j’avais entreprise en accordant une grande place à l’écoute. J’écoute et je reçois son histoire ; son besoin de partager et de se se confier paraît infini, tant rien n’a jamais été dit. Mariette se dit étonnée que je sois là présent pour elle, ponctuel, assidu, me préoccupant de ses sensations et de ses affects, partageant aussi parfois avec elle mes propres sensations et sentiments que je peux éprouver en séance, pour mieux rendre vivante l’interaction entre nous. Elle a une place ici et c’est encore surprenant pour elle, inhabituel, angoissant aussi : « qu’est-ce que cela cache à la fin ? » Ainsi, cela aura paradoxalement pour effet d’attiser ses résistances par rapport à moi, son thérapeute. En toile de fond, son frère Laurent, son meilleur soutien qui la protégeait lorsqu’elle était petite, mais qui pouvait se transformer subitement en bourreau implacable, véritable bras armé de sa mère, lorsque celle-ci avait besoin de lâcher sa haine. Marquée par de trop nombreuses expériences avec des êtres changeants, imprévisibles, Mariette restera sur le qui-vive pendant très longtemps, dans un transfert négatif par rapport à moi, fait de doute et d’attente à la fois résignée et anxieuse d’un changement brutal qui mettrait fin à la thérapie et à notre lien. L’intensité de ce transfert atteindra son apogée lorsque je lui proposerai de filmer les séances pour les besoins de la supervision. Deux séances entières ne seront pas de reste pour venir à bout de ses doutes, ou plutôt de ses certitudes soudain amplifiées. Je me sens en position d’accusé, elle s’adresse à moi avec suspicion. Ce que je ressens en elle : je devais forcément avoir un objectif malhonnête et pervers pour avoir accepté de m’intéresser ainsi à elle ! Tout cela n’était pas normal ! Elle sera inquiète à l’extrême, agressive, ironique, dubitative, posera mille questions mais sans jamais reconnaître un seul instant son doute à mon égard. Je resterai ferme et clair dans ma présentation et j’accepterai qu’elle puisse s’opposer à ce que je filme les séances. Mais elle ne pourra retenir ses pleurs pour la première fois depuis le début de la thérapie, lorsque je lui dirai qu’au fond, ce qu’elle redoute le plus, c’est que notre travail s’arrête !

Les choses iront ensuite en s’apaisant, comme si le fantasme « Doctor Jeckil and Mister Hyde » perdait peu à peu de sa force, et que le temps passant lui permettait de se rassurer, de mettre plus à distance ce redoutable scénario.

 

J’accompagnerai ces échanges verbaux par un travail corporel en poursuivant les exercices de respiration et de centration sur soi des premières séances. Mais il s’agira plus d’approfondir le contact à son propre corps que d’augmenter sensiblement son niveau énergétique. Je pressens que trop augmenter sa quantité d’énergie disponible ne fera qu’amplifier son niveau de stress et attiser les verbalisations. Ce qui serait désorganisateur pour elle et contraire à mes visées.

J’enrichirais le travail corporel dans trois directions. D’abord par des exercices d’enracinement dans le but de la sécuriser davantage et l’aider à approfondir son contact à la réalité. Pour redonner vie et sensibilité à ses jambes, j’alternais le déverrouillage de toutes les articulations des membres inférieurs, les étirements, les sautillements… Les semaines passant, les vibrations de ses jambes dans certaines positions et notamment en arc inversé, se faisaient de plus en plus harmonieuses, et je confirmais par mes paroles la vie qui réhabitait ses jambes et les rendait ainsi plus vibrantes.

Ensuite, de façon très assidue, je pratiquais un massage appuyé au niveau de la nuque, du segment oculaire et du crâne. Il s’agissait alors de dénouer peu à peu les tensions musculaires que les bioénergéticiens s’accordent à reconnaître comme le principal barrage opposé au libre flux des sensations vers le cerveau. Ce travail sur les défenses perceptives était renouvelé patiemment à presque chaque séance. Je lui demandais en même temps d’exprimer ce qu’elle sentait. Au début, elle disait ne rien percevoir ; peu à peu, la douleur apparaissait mais elle ne pouvait y associer la moindre réaction expressive.

Enfin, j’optais pour un travail sur le contenant à partir d’exercices de tensions et de relâchements volontaires successifs. Mariette disait ne pouvoir maîtriser ce stress qui la possédait et qui tentait de se résoudre sous la forme de tachycardie, de sudations inopinées et excessives, de rougeurs subites qui pouvaient succéder à des pâleurs tout aussi soudaines qu’imprévisibles. Elle disait en souffrir, se sentait comme dépossédée de toute maîtrise d’elle même et avait le sentiment insupportable d’être le jouet de forces aussi obscures qu’incontrôlables. J’imaginais de très fortes tensions inconscientes en profondeur, alors qu’en périphérie, les tissus musculaires semblaient n’offrir aucune structure organisée capable de faire barrage aux stimuli extérieurs, ni de lui permettre une expression adéquate des affects, dès lors que ceux-ci submergeaient le barrage des tensions profondes de l’organisme. Il s’agissait donc pour moi de l’aider à construire une enveloppe tonique, consciente et volontaire, capable de lui permettre de mieux gérer autant l’expression émotionnelle que la réception des stimuli provenant de l’environnement.

 

A partir du mois de mars, Mariette ira bénévolement travailler dans l’association où elle espère être embauchée dans le cadre de son contrat emploi-jeune. D’abord un jour par semaine, puis rapidement de deux à trois jours « pour apprendre le travail et ne pas se trouver inexpérimentée à son embauche » disait-elle. Elle trouve les conditions de travail difficiles et le responsable particulièrement irrespectueux avec les autres employés. Elle veut absolument travailler et multiplie les démarches, tant auprès de l’Administration pour obtenir son contrat emploi-jeune, qu’auprès de son futur responsable pour lui démontrer ses compétences. Elle doute de sa capacité à décrocher ce contrat, elle doute plus encore de sa capacité à tenir, tant les conditions de travail lui paraissent dures, et tant elle est déjà stressée. Je doute aussi, en la découvrant de plus en plus fatiguée, alors qu’elle travaille encore à temps partiel et à titre bénévole. Je pense qu’elle ne tiendra pas mais je ne le lui dirai pas. Je prépare une voie de sortie honorable, invoquant qu’un échec n’aurait rien de tragique, et qu’il conviendrait alors d’attendre qu’elle ait davantage avancé dans la thérapie et dans son propre développement, pour entrer dans un projet professionnel.

Contre toute attente, elle décrochera son contrat en mai, s’engagera dans un travail à temps complet et tiendra. Mais ses impressions du début ne cessent de se confirmer : rapidement son chef est de plus en plus odieux avec elle, et elle doit compter surtout sur elle-même pour apprendre et se former. La violence verbale, les menaces, les humiliations de son chef y compris devant des tiers, l’impossibilité de pouvoir s’appuyer sur quelqu’un dans un milieu où chacun est avant tout accaparé par sa propre survie, lui rappellent son milieu familial. Cela ne la surprend pas pour autant, tant elle a du mal à imaginer une atmosphère et des conditions de vie autres. Me disant même sans nuance « c’est pire dans le privé ! » Les séances se succèdent et Mariette est de plus en plus fatiguée, épuisée. Pourtant, le travail que nous faisons n’en est pas moins investi de sa part, bien au contraire. Les résistances par rapport à la thérapie ont quasiment disparu et elle doute de moins en moins de l’utilité et de la pertinence de celle-ci, au fur et à mesure qu’elle reconnaît sentir davantage son corps. Elle dira même « avoir le sentiment d’avoir pris la bonne voie en ayant choisi ce type de thérapie », elle ne doute plus de mon intégrité et de mon honnêteté, « avec sa tête » précise t’elle, tant elle découvre que sa méfiance est viscérale et profonde en dedans. Je perçois le lien thérapeutique maintenant fort et solidement établi entre nous. Mais c’est l’échec complet en ce qui concerne le stress : nous sommes en octobre, elle n’a jamais été aussi épuisée, elle arrive de plus en plus défigurée par cette tension extrême qui ne la quitte plus, elle dort de moins en moins, et le travail corporel tend à se réduire au fur et à mesure que sa fatigue augmente. Elle a peur de craquer, redoute la folie, la maladie, la mort. Elle craint le pire mais ne peut envisager un seul instant de cesser temporairement son travail comme je le lui suggère. Elle réplique invariablement : « si je dois me trouver mal, ce sera au bureau pour ne pas que l’on puisse penser que je le fais express ! ». Je parviens de plus en plus difficilement à mettre à distance un sentiment d’impuissance qui gagne en moi, un découragement qui s’installe. J’ai peur qu’elle ne s’en aperçoive. Un jour, dépité, je lui répondrai spontanément : « Décidément, vous êtes toujours sans pitié pour vous-même ! » Cette fois-là, ma remarque semble l’avoir touchée. Les larmes aux yeux, elle admettra que j’ai raison, acceptera d’aller consulter un médecin que je lui avais précédemment indiqué, et s’arrêtera pour une quinzaine de jours.

Cet arrêt maladie sera un tournant dans sa vie professionnelle comme dans la thérapie.

 

La libération de l’hostilité

De retour à son travail, son chef comme elle s’y attendait, sera violent et menaçant à propos de son congé maladie. Et ses collègues s’empresseront de lui rapporter toutes les critiques qu’il a tenues en son absence. Ce vécu réanimera un sentiment d’injustice qui faisait jusqu’ici défaut. A chaque fois que j’avais essayé de travailler l’agressivité jusqu’à présent, cela était tombé à plat. Mariette partait toujours à la recherche de circonstances atténuantes vis à vis de son chef, prenait sur elle la responsabilité de son courroux et m’expliquait en long et en large que si elle voulait garder sa place elle devait être gentille, ne jamais se tromper et « dire amen » à tout. Bref, se soumettre à son bon vouloir et passer outre tous ses écarts de comportement. Et de fait, Mariette devait de plus en plus emmurer ses pulsions hostiles pour correspondre à un être soumis, corvéable à merci, et qui achetait ainsi le droit d’être toléré, gardé, à défaut d’être reconnu. Et ce, dans le même temps où ses pulsions haineuses s’amplifiaient sous le coup des pressions et des humiliations de plus en plus proférées. Résultat : une bataille intérieure exacerbée qui ne pouvait être supportée indéfiniment mais qui ne parvenait à se résoudre tant la peur et le rejet de sa propre hostilité et de ses effets étaient forts.

Pour la libération de la haine et de l’hostilité, j’utiliserai l’exercice de frapper avec les poings et les avant-bras sur le tabouret surmonté d’une couverture, de frapper avec une raquette sur un coussin posé sur le matelas. Pour la prise de conscience de ce qu’elle supportait et l’expérience de s’en libérer, je lui demanderai de me porter, elle repliée en arc inversé sur les jambes bien fléchies et moi reposant sur elle de tout mon poids. Et de se relever brutalement afin de se débarrasser de sa charge. Ces exercices seront de plus en plus investis émotionnellement par Mariette, à la différence d’avant où elle exécutait de façon mécanique. Pour les exercices de frapper, je me placerai à chaque fois à côté d’elle, en soutien, suppléant transférentiellement un appui, un encouragement que son père ne lui avait jamais prodigués. A ces exercices succédaient parfois des pleurs accompagnant un profond sentiment d’injustice qui remontait : « Pourquoi je dois subir tout ça ? Pourquoi moi ? ». Dans le même temps, un important travail verbal semblait maintenant opérant, permettant de connecter son vécu présent aux expériences si souvent subies depuis qu’elle était née, et renforçant par là-même son propre droit à exister.

Et très vite, au cours des deux mois qui suivirent sa reprise du travail, Mariette put tenir tête de plus en plus à son chef. Il y avait comme une inversion qui s’était opérée en elle : en séance, elle pouvait entendre de ma part que la conduite de son chef était irrespectueuse, ses demandes excessives ou déplacées, et elle lui cherchait de moins en moins de circonstances atténuantes. Dans la réalité, elle pouvait lui dire quand c’était trop ou quand il ne lui donnait pas des éléments suffisants pour travailler, voire même quand il lui mentait ou cherchait à la manipuler. Une occasion pour elle de découvrir qu’il pouvait craindre, avoir peur lui aussi et perdre de son arrogance et de son assurance devant elle.

C’est à cette période-là que son stress diminua très sensiblement. Elle parle plus calmement, est moins agitée. Plus surprenant, je pouvais observer que l’odeur âcre si caractéristique du début avait disparu. Je dois reconnaître que je ne m’attendais pas à un tel changement, en tout cas pas aussi rapide.

Résultat : elle fait petit à petit sa place dans son environnement professionnel, y prend même des initiatives, représente son association dans des commissions extérieures, devient un agent avec lequel il faut compter… Même si les conditions de travail sont vécues de façon toujours aussi désagréable, il semble s’installer un modus vivendi et elle prend davantage confiance en elle.

Un élément nouveau est intervenu alors dans la thérapie sous la forme de « courants d’énergie » qu’elle sent dans son corps, pour reprendre son expression. Ces courants d’énergie la font souffrir corporellement, mais aussi attisent son angoisse.

 

Un an plus tard : Vers le désespoir et la terreur

 1 – Une ouverture s’étant réalisée sur la libération de l’hostilité et de la colère, je décidais de ne travailler cet affect que lorsque les conditions s’avéraient propices, c’est-à-dire lorsque Mariette arrivait remplie de rage parce que les relations s’étaient à nouveau dégradées avec son responsable, qu’elle venait de prendre conscience d’une dernière manipulation ou d’une nouvelle turpitude de sa part. Je n’essayais plus d’aller provoquer la révolte ou la haine, je l’accueillais à l’occasion.

 

2 – Je décidais alors de travailler plus directement le désespoir. Mariette prenait de plus en plus conscience de sa terreur du contact et de sa tendance à se refermer sur elle-même dans son existence. Les souvenirs d’une atroce solitude, seule dans la cour de récréation quand les autres enfants jouaient sans s’intéresser à elle, la laissant volontairement à l’écart, ou bien encore dans sa famille, lorsque sa mère et son grand frère l’humiliaient et la frappaient sous le regard mi indifférent, mi amusé de son père, prenaient de plus en plus de place. La tristesse mais plus encore la dépression semblaient s’installer.

A  plusieurs reprises, l’émotion viendra à fleur de peau, les larmes apparaîtront avec le récit se ses souvenirs… puis le silence, comme si c’était trop lourd pour elle ! Recherchant une juste accordance, il m’arrivera de me laisser aller à exprimer ma compassion, mon envie de la consoler que je sentais monter en moi en ressentant sa profonde tristesse : « Quand je vous vois ainsi, j’ai une grande envie de vous serrer tout contre moi, de vous protéger, de vous réchauffer ! ».  La première fois que je lui ai dit cela, elle s’est mise à rire nerveusement, en ponctuant par un « non » amusé. Dernièrement, elle ne souriait plus, triste, elle me regardera longuement dans un grand silence, avant de laisser échapper : « Mon père ne m’a jamais pris dans ses bras ! », puis elle se laissera aller à pleurer. Je sens ce besoin d’un contact chaleureux et protecteur enfoui tout au fond d’elle, au-delà de ce qu’elle me dit, et qu’elle n’a jamais connu. En lui ouvrant mes bras, j’essaie de solliciter, de réveiller ce désir-là… sans jamais forcer quoi que ce soit. V. De Clerck, dans une présentation sur le transfert et le contre-transfert, évoque le cas d’une thérapeute qui pleure devant son patient, en train de lui annoncer la mort de son propre père d’une façon complètement désaffectivée, car trop lourd et trop chargé pour lui. V. De Clerck poursuit : « Il s’agit là d’un phénomène courant dans notre clinique ; nous éprouvons corporellement et psychiquement, comme l’est par essence tout émoi, ce qu’éprouve la personne sans pouvoir y faire face, et nous pouvons lui rendre compte de ce qui est en train de se jouer en mettant notre capacité de résonance émotionnelle à son service »3. C’est vrai qu’en me laissant aller à ce que je ressens contre-transférentiellement, j’ai alors le sentiment de l’aider à éveiller ses émois profondément oubliés en elle, mais aussi de lui permettre de concevoir fantasmatiquement la possibilité un jour de s’y laisser aller.

Une séance par semaine, de façon systématique, je lui proposais de travailler au tabouret bioénergétique dans le but de désagréger les tensions qui enserraient sa cage thoracique, limitant sa respiration au minimum. J’y associais d’autres exercices et notamment celui d’inspirer profondément en élevant les bras en arrière, les mains jointes, puis d’expirer en les laissant redescendre.

Cela réveilla au début une forte sensation d’étouffement dans sa gorge que j’interprétais comme une tentative d’étouffer ses pleurs et ses sanglots. Puis Mariette donnera l’impression de s’habituer à ce travail et le tabouret ne lui inspirera plus les représentations de torture du début. Seule évolution notable : elle supporte de moins en moins longtemps le tabouret qu’elle sent plus douloureux. J’interprète cela comme une amélioration de sa fonction perceptive. Au bout de trois mois de ce travail, je dois reconnaître qu’aucun résultat tangible n’a été obtenu sur le plan émotionnel : pas un sanglot, pas une larme.

 

3 – Je consacre habituellement l’autre séance hebdomadaire à travailler sur sa terreur du contact. Allongée sur le dos, Mariette amplifie sa respiration et je l’aide à se centrer sur ses sensations, ses affects, ses images. Puis je lui demande de laisser aller sa tête dans mes mains en guise de support. Mariette ne parvient jamais à un abandon total et le moindre mouvement de ma part lui fait aussitôt reprendre un contrôle qu’elle n’a jamais vraiment laissé. J’alterne ce soutien avec un contact doux et tendre, fait de caresses et d’effleurements, sur son visage et sa nuque, comme une mère peut le faire avec son bébé. Invariablement, Mariette est alors prise de tremblements, d’abord au niveau des jambes, mais qui gagnent ensuite la totalité du corps et des bras, et qui sont même parvenus une fois jusqu’à un claquement des dents. Je suis généralement placé tout près d’elle, derrière sa tête ou assis à côté. J’interprète cela comme de la terreur qui se dégèle, comme si son corps pouvait se laisser aller dans ce rapprochement tendre et suffisamment contenant, à condition que ce contact ne devienne pas trop intense. Si je me rapproche trop près d’elle, ou si je lui demande de laisser son regard dans le mien trop longtemps, les tremblements cessent rapidement, les mécanismes défensifs semblent alors se remobiliser, son corps se refige. Elle me dit avoir confiance et savoir qu’il ne lui arrivera rien. Aujourd’hui, elle admet que son corps reste cependant terrorisé dans un rapprochement physique, toujours vécu par elle, aussi loin qu’elle remonte, comme une expérience douloureuse.

Dégeler son organisme marqué par la souffrance, terrorisé, afin qu’elle puisse se laisser aller et s’ouvrir à un contact tendre, voilà un objectif qui me semble clair. J’ai l’impression de tâtonner, de découvrir avec elle, à petits pas, et je suis heureux quand je peux observer de temps en temps son regard se laisser aller plus longuement dans le mien.

Dans son travail Mariette semble vivre aujourd’hui la fin de ses illusions : elle sait que quoi qu’elle fasse, ça n’ira jamais vraiment, que son chef ne la prendra jamais vraiment en considération et cherchera toujours à la manipuler. Qu’il est vain de continuer à vouloir lui faire plaisir et quémander une véritable reconnaissance qu’elle n’obtiendra jamais de lui. Un sentiment de lassitude émerge avec insistance depuis un certain temps. Elle sait que ce milieu est pathologique, qu’elle n’est pas heureuse et reconnue, qu’elle a aujourd’hui des capacités dont elle doute de moins en moins. Elle s’est faite à l’idée qu’elle devra chercher un autre emploi, avec une atmosphère de travail différente, si elle veut pouvoir se réaliser vraiment. En attendant, elle ressent une satisfaction à voir qu’elle va atteindre son objectif qui était de rester au moins un an dans cet emploi, de façon à acquérir une expérience valable. Elle est en train de mettre en chantier la recherche d’un nouvel emploi, en cherchant à sonder ses véritables désirs et en explorant l’environnement à cette fin.

Dans la thérapie elle-même, Mariette dit avoir pris davantage conscience de son corps. Elle se dit aujourd’hui convaincue que la résolution de ses problèmes passent par le corps et l’émotionnel. Elle n’est plus dissociée consciemment et volontairement comme au début : il n’y a plus cet esprit tout puissant qui veut régenter son corps, mais le constat que son corps lui échappe (terreur et autres émotions inconscientes) et qu’elle aimerait bien se le réapproprier. Elle ne parle plus de « ce corps-machine qu’il convient de dresser ». Le travail de résolution des défenses secondaires contre le corps, et qui confortent et entretiennent intellectuellement la dissociation réelle corps-esprit, semble en grande partie terminé. Elle accepte et désire dégeler son corps, le retrouver, se le réapproprier.

Les périodes de fatigue, voire d’épuisement parfois, continuent de se succéder et d’alterner avec des moments de regain d’énergie, au fur et à mesure qu’elle se laisse aller à se détendre, à percevoir et à sentir.

 

Elaboration théorique

Observations personnelles

 1 – D’abord le constat très pragmatique que ce travail de description d’un cas clinique m’aura permis de mieux comprendre le déroulement du processus thérapeutique en terme de stratégie, comme quelque chose de construit et de cohérent, mais qui prend du sens à postériori, c’est-à-dire aujourd’hui quand je le décris. Sans doute, mon manque d’expérience est-il pour beaucoup dans ce constat ! J’ai été découragé de prime abord, quand j’ai lu, relu, résumé, condensé tous ces compte-rendus de séances que j’avais consciencieusement rédigés depuis plus d’un an. J’avais l’impression de séquences qui s’emboîtaient les unes dans les autres, de manière automatique, mais sans véritable lien entre elles, si ce n’est l’urgence du moment. Et pourtant, il y avait du sens, de l’ordre, de la logique presque… et ce n’est qu’aujourd’hui, à l’arrivée, en ordonnant puis en cherchant à comprendre globalement, que j’ai l’impression d’y voir plus clair et de mieux comprendre tout ce cheminement. Ce mémoire m’aura permis de prendre du recul, de mieux cerner Mariette, de mieux comprendre le travail que j’ai mené avec elle. J’en tiendrai compte pour les autres thérapies que je conduis aujourd’hui. Il m’éclaire dans mon travail de thérapeute, il attire mon attention à ne pas avoir toujours « les yeux fixés sur la roue, le nez dans le guidon ».

 

2 – Quelque soit l’objectif visé par le thérapeute, je prends davantage conscience qu’une témérité, une patience sont nécessaires. Que le patient, dans son psychisme, dans son corps, a besoin de temps pour que les mots, les mouvements, les vécus, les nouvelles expériences induites par la thérapie, s’inscrivent en lui et dans les processus vitaux de son organisme et de sa psyché, afin de les modifier. J’avais travaillé l’agressivité avec Mariette. Pendant longtemps, cela resta un exercice mécanique, comme artificiel, comme « à côté ». Sans m’en rendre vraiment compte sur le moment, je sais aujourd’hui que j’ai pourtant patiemment gardé le cap. Jusqu’au jour où, peut-être parce que le sentiment d’injustice était devenu trop fort, peut-être aussi parce que notre lien était devenu suffisamment sécurisant, sans doute parce que Mariette avait atteint la maturité intérieure nécessaire, l’hostilité a surgi dans une une décharge émotionnelle et motrice forte, directe, authentique. A. Lowen nous prévient : «  Aucun effort de volonté ne peut nous changer… Le changement se produit lorsqu’on y est prêt, qu’on le désire et qu’on est capable de changer… Le corps devient graduellement tolérant à un mode de vie plus énergétique, à des impressions plus fortes et à une expression de soi plus libre et plus totale »4. Il reste maintenant à parfaire cette expression agressive, à l’inscrire durablement dans un droit légitime, à l’enraciner dans un comportement maîtrisé.

Cela me permet aujourd’hui de rester plus serein par rapport à ce qui pourrait apparaître à ce jour comme un échec : les sanglots du désespoir. Je les sens là, étouffés dans sa gorge rétrécie, dans sa cage thoracique comprimée, dans son diaphragme tendu. Mais rien ne paraît, si ce n’est sa crainte de sombrer un jour dans la dépression… Alors, patiemment, je poursuis le travail corporel, au tabouret bioénergétique notamment, je l’écoute, je l’aide à dire et à élaborer sa peur « du naufrage » de la dépression. Je continue à renforcer notre lien, à la rassurer, à la sécuriser en lui faisant sentir qu’elle n’est pas seule, que je suis là… Je l’aide à mûrir ce prochain laisser-aller, cette ouverture annoncée, sans forcer quoi que ce soit, en respectant le rythme d’évolution et de métamorphose de son corps, en l’accompagnant presque tranquillement…

Serai-je donc impatient ? Justement, essayer d’aider Mariette, nécessite en même temps de ne pas l’investir de mes propres désirs et de mes propres attentes, exigences redoutables à la mesure de mon narcissisme fragile de thérapeute débutant. Citant A. Reich, J.M. Guillerme nous éclaire sur les travers du contre-transfert non maîtrisé en ces termes : « Ceci conduit à une fausse évaluation des patients, à une ambition démesurée et à de l’hostilité contre le patient qui ne réussit pas à donner à son analyste la satisfaction narcissique de l’avoir guéri »5. Et J.M. Guillerme d’ajouter : « Reconnaître les vicissitudes du contre-transfert, « leur empreinte corporelle », ses désirs projetés sur le client, l’ambition narcissique et ses failles, la difficulté de la séparation, apparaissent comme autant d’éléments essentiels à la compréhension de ce qui se joue corporellement et dynamiquement dans la relation »6. Je crois que j’ai besoin d’écouter davantage ce qui se passe en moi-même en séance. Encore et encore ! En le dédramatisant pour mieux le surprendre, le travailler. Et la façon qu’a J.M. Guillerme de parler de lui-même dans cet article, m’a fait du bien et m’y a encouragé, en m’apportant la tranquillité nécessaire.

 

A propos des « courants d’énergie » dont parle Mariette

Ces phénomènes sont apparus pour la première fois en thérapie quelques heures après qu’elle ait frappé avec la raquette avec émotion. Elle est revenue catastrophée lors de la séance suivante : « ça y est ! ça c’est reproduit ! » Cela lui était arrivé pour la première fois après la mort de son père, puis ces réactions s’étaient espacées pour revenir brutalement lors de sa bouffée délirante aiguë. Elle en parle comme « des courants d’énergie » très douloureux, principalement dans sa tête mais aussi dans le reste de son corps, dans la région du cœur notamment. Ils sont toujours accompagnés d’une angoisse de mort imminente très difficile à supporter. Elle reste avec la crainte que ces phénomènes ne dégénèrent, comme lors de son séjour en hôpital psychiatrique, et qu’elle soit amenée à y retourner. Elle parle de ce paroxysme en des termes paradoxaux : « C’était extraordinaire ces hallucinations : j’avais l’impression d’être ouverte sur l’extérieur avec des courants qui sortent de la tête, qui y rentrent aussi. Je ne regrette pas d’avoir connu cela. Mais je ne veux pas le revivre, c’est trop affreux, trop atroce ».

Parlant encore de ses souvenirs de l’hôpital, Mariette évoquera un vécu en termes de « forces extérieures à elle et dont certaines étaient destructrices : une voix me disait que j’étais enceinte d’un monstre et que pour tuer le monstre, je devais me jeter du haut d’un immeuble… ». Elle se sentait possédée par ces forces extérieures et dépossédée d’elle-même. W. Reich, à propos de sa patiente schizophrène, précise : « L’expérience non déformée des sensations de son corps lui rendrait possible l’identification des « forces » et l’élimination progressive des hallucinations »7. Contrarié, voire entravé par des tensions défensives spécifiques, le flux des stimuli sensoriels émanant du corps semble dès lors ne plus pouvoir être perçu et interprété par le cerveau que comme des phénomènes bizarres, extérieurs au soi, et auquel le sujet essaie désespérément de donner un sens. Je comprends les courants d’énergie dont parle Mariette comme un flux sensoriel désormais plus intense, en tout cas mieux intégré par son cerveau, qu’elle peut dès lors identifier comme un phénomène interne à sa personne et non plus comme étant la manifestation de forces extérieures.

Toujours W. Reich : « … les « forces » schizoïdes sont des perceptions déformées de sensations orgonotiques fondamentales au niveau des organes »8. Mariette, développant peu à peu en thérapie une meilleure fonction perceptive, parvient donc aujourd’hui à ne plus percevoir et se représenter des forces extérieures, mais des courants d’énergie et même de plus en plus des sensations, dont elle essaye de me rendre compte verbalement de son mieux. Même si pour décrire ses sensations, les mots s’avèrent limités.

Aujourd’hui, pour décrire ces courants d’énergie, Mariette parle de plus en plus de « de sensations d’aiguilles dans le cerveau ou encore d’électricité dans sa tête », ajoutant « j’ai essayé de résister pour sentir pleinement la souffrance et pouvoir l’évacuer ». A ce moment, la souffrance n’est plus interprétée comme signe d’un dysfonctionnement interne mais prend le sens d’un prix à payer, quelque chose qu’elle doit subir, traverser. Elle dira qu’à ce moment-là, sentir sa souffrance, la subir, représentait à ses yeux une façon de l’évacuer. Probablement en rapport avec cette pensée tenace, introjection redoutable de la parole parentale, qu’elle était responsable de tout ce qui lui arrivait quand elle était petite. Mariette ne cessera de revenir souvent au début de sa thérapie sur cette idée obsédante « qu’elle avait dû faire quelque chose de particulièrement grave dans son enfance ».

Le traumatisme, la motilité et les courants d’énergie

R. Lewis présente le choc céphalique avant tout comme un traumatisme somatique. Il le décrit dans des termes qui semblent correspondre à Mariette telle qu’elle m’est apparue au début de sa thérapie : « Le patient a l’air comme figé ou choqué dans le sens où sa tête, son cou et ses épaules semblent d’une seule pièce. L’expression du visage semble celle d’un masque, sans mobilité expressive, les yeux paraissent terrifiés »9. C’est cette vision-là qui m’avait saisi, choqué, lorsque j’avais rencontré Mariette pour la première fois, en me renvoyant à une impression de mort, en faisant ressurgir brutalement en moi les regards terrifiés des détenus dans les camps de concentration nazis.

Dans Le corps bafoué, A. Lowen éclaire les processus bioénergétiques en jeu dans ce traumatisme originel. L’énergie se retire de la superficie pour se figer au centre afin de garder l’intégrité physique et psychique du sujet, la tension des fibres élastiques et des tissus se maintenant bien au-delà de la période du traumatisme lui-même.

J’interprète les tremblements de Mariette comme une énergie préalablement prise dans les tensions extrêmes du traumatisme infantile, et qui se dégèle peu à peu, redevenant disponible pour d’autres fonctions, et permettant au corps de retrouver progressivement la motilité naturelle à laquelle il avait renoncé dans le but de survivre. A. Lowen explique à ce propos : «  La réduction de la motilité constitue une mesure d’urgence pour conserver de l’énergie. Normalement la motilité diminue en état d’alerte, à la fois pour augmenter la réactivité et pour mobiliser l’énergie afin de « combattre ou fuir ». Dans l’état schizoïde, ces mécanismes d’urgence tendent à constituer un schéma « normal » de réactions puisque le schizoïde considère son existence quotidienne comme une question de survie »10.

Au fur et à mesure qu’elle se laisse aller à des tremblements intenses, Mariette évoque de moins en moins les courants d’énergie pour décrire ce qu’elle ressent, comme si ces phénomènes perdaient de leur intensité ou se transformaient en autre chose. Elle parle désormais davantage « de sensations d’empoisonnement, de sensations de pourriture à l’intérieur d’elle, de sensations de décomposition dans son corps ». Je percevrai d’abord ce qu’elle me décrit  comme l’expression de fantasmes associés à la mort et en lien avec sa terreur initiale : l’empoisonnement, la pourriture ou la décomposition. Quand je m’interrogerai devant elle sur ces « visions », elle se montrera catégorique : il s’agit bien de sensations qu’elle sent dans son corps et non de représentations qu’elle voit dans sa tête. Elle insiste pour dire qu’elle ne ressent alors aucune émotion et qu’elle ne se représente aucune image. Comme si la motilité amplifiée dans son corps, associée à un assouplissement de ses défenses perceptives, permettait de faire apparaître des sensations nouvelles et inhabituelles qu’elle tentait de me communiquer, mais que le continuum qui se réamorçait s’arrêtait pour le moment aux sensations, et ne pouvait encore se prolonger dans les dimensions émotionnelles et fantasmatiques.

W. Reich, en posant que les forces extérieures n’étaient que les réactions organiques du patient, mais mal décodées par son cerveau dans leur dimension sensorielle, indique la nécessité de travailler les défenses corporelles pour améliorer la fonction perceptive. A. Lowen ajoute l’obligation de restaurer une motilité organique suffisante, comme soubassement physiologique indispensable, si on veut permettre au patient de retrouver une vie sensorielle perceptible.

J’observe que Mariette fait de plus en plus état de sensations qu’elle peut distinguer, identifier, décrire, et évoque de moins en moins les courants d’énergie, au fur et à mesure que sa motilité s’amplifie et que le relâchement de ses défenses perceptives se poursuit.

Lors de ses tremblements, je ressentais en elle un grand besoin de comprendre et de se rassurer. Aussi, je ne perdais pas une occasion, dès lors qu’elle me parlait de ses réactions dont elle n’avait jamais pu parler à personne auparavant, de donner du sens, d’expliquer, accompagnant ce retour à des sensations désormais plus fluides et plus intenses, par une appropriation mentale de ces mêmes sensations comme faisant partie d’elle-même, de sa vie intérieure.

Je mesure mieux aujourd’hui toute l’importance que revêtait pour Mariette le fait de mieux sentir son corps et qu’elle en déduise qu’elle était sur la bonne voie.

Pourtant, après une dernière séance en supervision, je m’interroge : Mariette veut tout comprendre et contre-transférentiellement, j’éprouve toujours une grande envie de la rassurer par le raisonnement, d’autant plus que sa capacité à comprendre est remarquable et que nos échanges sont toujours pour moi un vrai plaisir. En lui permettant de comprendre et de se situer dans tous ses processus vitaux, est-ce que je n’en fais pas trop ? Ne suis-je pas entrain de satisfaire un penchant qui m’est personnel ? Est-ce aidant de répondre à Mariette de façon aussi pressante ? Cela ne représente-t’il pas une entrave au travail émotionnel ? Cela favorise-t’il le laisser-aller à ce travail ou au contraire cela ne risque-t’il par d’être récupéré inconsciemment dans une visée plutôt défensive ? Car c’est aussi bien souvent un moyen pour elle de repartir dans sa tête, dans les réflexions et les raisonnements, en quittant le travail émotionnel présent, se coupant par là-même d’un ressenti sensoriel trop angoissant. Mais en même temps, n’en avait-elle pas besoin pour se laisser aller jusqu’à cette ouverture au travail corporel d’aujourd’hui ? Rassurée mentalement, intellectuellement, elle semble pouvoir aller plus directement sur le travail corporel et émotionnel désormais. Ce que nous faisons… Cela a sans doute contribué également à renforcer notre lien, Mariette ayant eu besoin de comprendre, de vérifier que je ne lui « raconte pas d’histoire », surtout au début. Mais je pense que je vais devoir résolument lui répondre et communiquer en privilégiant désormais le canal sensoriel et affectif, dès lors que nous nous trouverons engagés dans un travail corporel effectif.

 

Pistes de recherche pour la suite de la thérapie et le développement de la dynamique engagée

 Quel que soit le travail que nous faisons ensemble, je pense que je ne dois jamais perdre de vue, que le traumatisme associé à l’état de terreur vécu par Mariette dans son enfance, a gelé et structuré son organisme ainsi. Gel de son énergie vitale pour la tenir rassemblée en elle-même afin de ne pas rompre et éclater. Gel empêchant par là-même la motilité naturelle de son organisme, ainsi que l’éclosion et le développement normal des sensations, mais au-delà des affects et des fantasmes qui s’étayent dessus. Mais également et dans le même temps, développement de défenses spécifiques afin de limiter, voire d’arrêter la perception de sensations restantes trop douloureuses, associées au traumatisme et qu’elle ne pouvait éviter dans sa situation de survie de son enfance.

Je comprends la dissociation dont souffre Mariette en termes très corporels, comme la résultante de deux phénomènes simultanés et conjoints, et qui se renforcent dans leur conséquence fonctionnelle : d’une part la perte de motilité, d’autre part la mise en œuvre de défenses perceptives spécifiques. Ainsi, soit les sensations ne peuvent se former et apparaître dans leur soubassement organique même (motilité insuffisante), soit les stimuli sensoriels ne peuvent se propager correctement jusqu’au cerveau pour y être décodés et intégrés (tensions musculaires et blocages articulaires spécifiques).

En prolongement, privé d’un apport sensoriel suffisant, la dissociation m’apparaît alors comme l’impossibilité de construire un chaînage adéquat entre les niveaux tonicité-motilité, sensoriel, émotionnel et représentatif, tel que G. Tonella le présente comme étant à la base de l’identité même du sujet. La construction insuffisante et inachevée de ce chaînage empêche de relier en une même unité le corps avec ses processus organiques et l’esprit avec la conscience et les processus mentaux. Cette dissociation, où son esprit conscient, non enraciné, règne en maître et ordonne par la volonté à son corps esclave, pouvait amener Mariette à parler de la situation terrorisante qu’elle avait vécu dans son enfance, de façon complètement désaffectivée, comme s’il s’agissait de l’histoire d’une autre personne. Ou encore de pouvoir travailler très longtemps au tabouret, comme au début, puisqu’elle ne percevait aucune douleur.

La présentation ci-dessus revient à expliquer l’expression de ces différentes dimensions de l’être humain dans une même unité, par l’existence d’un « continuum tonico-sensori-émotionnel-représentatif… désignant les articulations, en continuité parce qu’étayées les unes dans les autres, entre quatre paliers d’intégration que l’on désigne, trop globalement, en tant qu’organisation psychocorporelle »11 tel que le propose G. Tonella. Ce continuum suppose des liaisons qui restent à reconstruire chez Mariette afin qu’elle puisse reconnecter et unifier durablement son corps et son esprit.

Ainsi, l’aider à retrouver sa motilité naturelle afin de stimuler sa vie sensorielle ; l’aider à assouplir ses défenses perceptives, qu’elles soient musculaires ou articulaires, afin qu’elle puisse mieux percevoir des sensations  toujours plus intenses, mais aussi l’encourager à les exprimer ; de la même façon, l’aider à faire leur place aux affects et au-delà aux fantasmes ; telle me paraît bien être la voie à suivre patiemment pour accompagner son développement, tout en continuant à donner du sens à sa métamorphose, à son vécu, à sa thérapie.

 

Conclusion

Terminant ce mémoire clinique, il me vient le désir, comme une urgence, de reparler du lien. La relation : dimension que j’ai vécu comme étant la plus essentielle au départ de chaque thérapie. Car la richesse de l’analyse bioénergétique en fait aussi toute sa difficulté : prendre en compte chaque dimension en faisant  une place au corps, à la psyché mais aussi à la relation. Je partage l’avis de D. Royer quand il énonce à ce propos : « La valeur de la méthode et son intérêt clinique tiennent à l’effort constant d’intégrer trois plans : le corps, la vie psychique et la relation. Je crois fermement que l’intégration de ces trois univers correspond à l’ingrédient essentiel de cette approche thérapeutique »12. Il me paraît plus évident aujourd’hui que si le lien ne s’établit pas, aucun processus thérapeutique ne peut se mettre en place. Et, au vu de ma jeune expérience, les thérapies qui ont échoué ont achoppé là dessus : parce qu’un lien suffisamment solide n’a pu se mettre en place ou se maintenir. Soit que je n’ai pas compris la problématique de la personne et que je n’ai pu m’ajuster, ou pas suffisamment vite, pas assez tôt. Soit encore que ma propre histoire ne m’a pas permis d’être suffisamment accueillant, le contre-transfert étant alors trop chargé d’hostilité ou de peur, et pas assez à distance. Dans tous les cas, la relation n’a pu prendre sens pour le patient.

Toujours dans le même article, D. Royer, à propos de sa relation thérapeutique avec son patient en proie à une terreur inconsciente, précise : « J’aurais dû parler également d’un long processus d’apprivoisement à l’expérience de se retrouver « entre les mains » d’un être humain. S’il a réussi à se réapproprier sa sensibilité, à reprendre pour ainsi dire possession de lui, c’est dans ce contexte relationnel »13. Je ressens fort cette même impression d’un long apprivoisement dans cette première année de thérapie avec Mariette.

Pareillement, G. Tonella insiste sur l’importance du lien dans la construction du soi : «  Le soi ne se construit pas sans ces liens. Et ces liens interpersonnels ne sont pas l’œuvre de l’un ou de l’autre des deux partenaires, mais de leur interactivité et de leur attachement mutuel. Je pense cela vrai pour la construction des liens mère-bébé, je pense cela également vrai pour la construction des liens thérapeute-patient lorsque le patient est encore à la recherche de son sentiment d’exister dans sa subjectivité. Sans la participation active ( inter-active ) du thérapeute, le patient peut imaginer, penser et dire ce qu’il aimerait être, notamment aimer et être aimé, mais il ne peut le construire et le vivre »14. Il poursuit en précisant la cohérence nécessaire que doit avoir à ses yeux le lien, dans l’analyse bioénergétique, avec la problématique pré-génitale ou névrotique du patient : « Le « travail corporel » et énergétique conserve sa valeur quelque soit le domaine d’intervention, mais il ne prend de sens que référé au type de lien interpersonnel travaillé »15.

Si Mariette est restée, j’ai la conviction que c’est parce que d’emblée elle s’est sentie reçue, accueillie, respectée. Etre ponctuel pour sa séance, terminer à l’heure indiquée, l’écouter sans l’interrompre, sans la juger, sans me moquer, l’entendre et ne pas douter de ce qu’elle me donnait de l’histoire de sa vie, etc… représentaient, en ce début de thérapie, autant d’attentions, simples et évidentes pour moi, mais secrètement espérées sans jamais vraiment trop y croire pour elle. Voire même menaçantes. Comme des égards auxquels elle n’aurait pas droit. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs qu’elle ne me soupçonne plus d’en cacher un autre, Doctor Jeckil, qu’elle allait forcément débusquer un jour… Le lien a d’abord pu s’établir à partir de là, de ma sensibilité et de mon respect, qui a pu être ressenti par Mariette, même si c’était pour l’associer aussitôt à un grande méfiance. De mon désir de l’aider intimement ancré au fond de moi. De mon envie de la connaître et de la percevoir davantage afin de m’ajuster mieux à elle, d’avoir le mot juste, l’expression qui a du sens, la proposition d’un travail adapté. Et si le patient continue le parcours, je pense que c’est avant tout parce qu’il se sent compris, accueilli et accepté. Je mesure aujourd’hui plus pleinement l’importance de ces tous premiers contacts, où la théorie bien que présente reste au second plan, et où la sensibilité et l’accueil du thérapeute s’avèrent les éléments qui permettront ou non au processus thérapeutique de naître et de s’installer.

 

Dernière séance avant la fin de ce mémoire. Travail de rapprochement, de proximité du contact. Je me tiens agenouillé à une trentaine de centimètres de son visage. Pas de tremblements aujourd’hui… je m’étonne moi-même ! Je la regarde, elle regarde ailleurs. De temps en temps, sur mon insistance, elle laisse aller son regard dans le mien. Furtivement. Je lui souris, esquisse comme malgré moi quelques mimiques avec ma bouche, avec mes yeux ! Rires de sa part, brefs au début, comme retenus, puis de plus en plus insistants et gênés à la fois, à deux doigts du fou-rire. « Je ne sais pas pourquoi je ris » balbutie-t’elle comme pour s’excuser ! « Peut-être parce que vous éprouvez de la joie ! ». J’accueille, je continue de lui sourire. Prudemment ! Je ressens cela comme agréable, comme bon en moi-même. C’est la première fois que cela se passe avec un patient ! A moitié dans ma tête, je cherche un mécanisme de défense qui pourrait expliquer sa réaction, comme si ce que je ressentais d’agréable en moi en ce moment, plus ou moins consciemment, n’y suffisait pas. Supervision le lendemain : je parlerai spontanément de cette interaction « comme un bébé sourit et se laisse rapidement aller aux rires spontanés et irrépressibles, au fou-rire incontrôlable en regardant sa mère jouer avec lui et lui faire des mimiques et des  grimaces »; ça y est, j’y suis ! Je prends alors conscience que si j’ai bien accueilli la joie qui apparaissait pour la première fois sur le visage de Mariette, je l’avais cependant limitée dans son expression en n’osant pas la partager totalement avec elle, restant avec mon sourire prudent et défensif vis à vis d’une émotion à laquelle je n’avais guère été habitué moi-même lorsque j’étais enfant… La thérapie continue, mon apprentissage aussi !

 

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1  A. Lowen, Le corps bafoué, Coll. « Le corps à vivre », Paris, Tchou, 1976, p. 49.

2  A. Lowen, Le corps bafoué, Coll. « Le corps à vivre », Paris, Tchou, 1976, p. 52.

3 V. De Clerck, Analyse de transfert en analyse bioénergétique entre Reich et Ferenczy, article paru dans « Le corps et l’analyse », Revue de la Société Belge d’Analyse Bioénergétique, Vol. 7, N° 2, Bruxelles, 1992, p. 24.

4 A. Lowen , La bio-énergie, Coll. « Le corps à vivre », Paris, Tchou / Sand, 1983, p. 102.

5  Heimann, Little, Tower et Annie Reich, Le contre-transfert, Navarrin, 1987, p.82.

6 J.M. Guillerme, Contre-transfert corporel chez Freud, chez Reich,… aujourd’hui, article paru dans Les Lieux du Corps n° 1 : Origines et perspectives, Paris, Morisset, 1994, p. 129.

7 W. Reich, L’analyse caractérielle, Paris, Payot, 1992, p. 357.

8  W. Reich, L’analyse caractérielle, Paris, Payot, 1992, p. 357.

9 R. Lewis, Le choc céphalique : une construction corporelle sous-tendant le faux « self », article paru dans la revue de la Société Française d’Analyse Bioénergétique : Les Lieux du Corps n° 3 : Corps et Identité, Paris, Morisset, 1996, p. 48.

10 A. Lowen, Le corps bafoué, Coll. « Le corps à vivre », Paris, Tchou, 1976, p. 165.

11 G. Tonella, Perspectives en analyse bioénergétique : la construction corporelle de l’identité de base, Infosfabe, Paris, Lettre d’information de la SFABE, Janvier 1998, p. 2.

12 D. Royer, Du symptôme somatique à l’expression créatrice, article paru dans dans la revue de la Société Française d’Analyse Bioénergétique : Les lieux du corps n° 2 : Corps, émotion, somatisation, Paris, Morisset, 1995, p. 41.

13  D. Royer, Du symptôme somatique à l’expression créatrice, article paru dans dans la revue de la Société Française d’Analyse Bioénergétique : Les lieux du corps n° 2 : Corps, émotion, somatisation, Paris, Morisset, 1995, p. 46.

14 G. Tonella, Le soi interactif, article paru dans Bioenergetic Analysis, The clinical Journal of the International Institute for Bioenergetic Analysis, Volume 11, N° 2, New York, 2000, p. 45.

15 G. Tonella, Le soi interactif, article paru dans Bioenergetic Analysis, The clinical Journal of the International Institute for Bioenergetic Analysis, Volume 11, N° 2, New York, 2000, p. 59.

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BIBLIOGRAPHIE

 

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Tonella G., L’analyse bioénergétique, Coll. Essentialis, Paris, Morisset, 1994.

 

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ANNEXE : Les exercices d’énergétisation

 

 

Le but de ce type d’exercices est d’augmenter la quantité d’énergie mise à la disposition de l’organisme à partir d’un approfondissement de la respiration. L’oxygène capté dans l’air inspiré va être métabolisé sous forme d’énergie par l’organisme. Plus d’oxygène capté signifie davantage d’énergie métabolisée, et un organisme qui se charge en énergie verra toutes ses fonctions et tous ses processus vitaux dynamisés.

La vitalité de l’organisme sera accrue. Ses sensations seront plus intenses parce que plus nombreuses et de meilleure qualité. Cette sensorialité plus grande alimentera des états affectifs plus marqués : le sujet verra ses émotions, ses sentiments, ses désirs éprouvés avec plus d’acuité. La vie fantasmatique elle-même deviendra plus riche et l’activité cognitive sera facilitée.

Lowen met aussi l’accent sur une qualité intrinsèque à tous les exercices : le mouvement. Que celui-ci soit volontaire comme de bouger un bras, ou qu’il soit involontaire, tels les spasmes péristaltiques de l’intestin pendant la digestion, tous ces mouvements du corps sont à la base de la sensation. Il écrit notamment : « La sensation est conditionnée par la respiration et le mouvement. Un organisme ne sent rien d’autre que ce qui se meut dans ses propres limites. Par exemple, lorsqu’un bras reste immobile pendant un certain temps, il s’engourdit et se vide de toute sensation. Pour le sentir à nouveau, il faut rétablir sa motilité… être bien vivant, c’est respirer profondément, se mouvoir librement, sentir pleinement »1.

Posture de départ : Debout, pieds parallèles et écartés à la largeur du bassin, jambes très légèrement fléchies au niveau du genou, les épaules détendues, la tête droite, l’arrière du crâne poussé vers le haut de façon à bien étirer les vertèbres cervicales.

Cette position est valable avant chacun des exercices présentés. C’est la position de base en quelque sorte.

 

La brasse :

Le mouvement : Partir mains jointes, ouvrir les paumes vers l’extérieur et tout en inspirant, ouvrir progressivement les bras jusqu’à les placer en croix, parallèles au sol et perpendiculaires au corps.

A l’expiration, ramener lentement les bras avec les paumes de mains se faisant face et revenir à la position initiale, mains jointes.

Les mouvements des bras et la respiration doivent être coordonnés. L’exercice doit être exécuté le plus lentement possible dans un rythme régulier, sans effort ou crispation. On ne doit jamais essayer d’aller au maximum de ses possibilités afin d’éviter toute situation de stress. Cela irait à l’encontre de l’objectif général recherché, à savoir une meilleure fluidité de l’énergie et une meilleure circulation des sensations à travers le corps.

 

Le rouleau :

 Le mouvement : Porter les mains au niveau du nombril, les paumes tournées vers le ciel et les doigts serrés.

Inspirer en élevant les mains, les paumes toujours vers le ciel, les bras restant rapprochés le plus possible du corps, jusqu’à hauteur du sternum.

Retourner les paumes des mains vers le sol et expirer en descendant les mains jusqu’à revenir à la position initiale.

 

Le tir à l’arc :

 Le mouvement : Inspirer en élevant lentement le bras droit pour l’étirer entièrement afin qu’il se retrouve parallèle au sol et en angle droit avec le corps. Dans le même temps, la tête se tourne du côté droit et le bras gauche est remonté coude fléchissant au fur et à mesure, à la hauteur du sein gauche, puis ramené très légèrement en arrière. L’exercice représente un tireur à l’arc qui, la flèche étant placée, va bander son arc en vue de le tendre avant de laisser partir la flèche.

Expirer en redescendant progressivement les bras dans leur position de départ, puis recommencer le mouvement du côté gauche.

Cet exercice représente un enchaînement plus élaboré puisqu’il demande une coordination de la respiration avec les mouvements des bras et de la tête.

 

La holla :

 Le mouvement : Partir le corps légèrement abaissé sur les genoux bien fléchis. L’inspiration lente et régulière se fera en même temps que le corps remontera et que les bras, portés en avant du corps s’élèveront au-dessus de la tête. L’inspiration se terminera le corps droit et les bras légèrement en extension dans le prolongement du corps. D’une même façon coordonnée, l’expiration accompagnera un mouvement de descente du corps et des bras pour retrouver la position de départ.

Ce dernier exercice, plus dynamique, a l’avantage de renforcer l’énergétisation tout en favorisant une plus libre circulation de l’énergie à l’intérieur de l’organisme.

 

1 A. Lowen, Le plaisir, Coll. « Le corps à vivre », Paris, Tchou / Sand, 1984, p. 29.