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Résumé : Mais qu’est-ce qui fait que l’EMDR se révèle être une thérapie aussi puissante ? Ma conviction, c’est qu’elle puise sa force de résolution du traumatisme dans son aspect intégratif.
Dans une première partie, j’essaierai de démontrer en quoi l’EMDR est bien une psychothérapie intégrative.
Dans un deuxième temps, je tenterai de décrire, ce qui en dehors du protocole lui-même, spécifie le processus des stimulations bilatérales alternées. Ce qui distingue l’EMDR d’autres thérapies intégratives, et notamment des thérapies psychocorporelles. Je vous proposerai ensuite d’illustrer mon propos à partir de trois cas cliniques.

L’EMDR : UNE THERAPIE INTEGRATIVE SPECIFIQUE

Robert FAURY, © 2017

Conférence 10ème Journée d’étude EMDR de Toulouse, Mars 2017


Mais qu’est-ce qui fait que l’EMDR se révèle être une thérapie aussi puissante ? Ma conviction, c’est qu’elle puise sa force de résolution du traumatisme dans son aspect intégratif.
Dans une première partie, j’essaierai de démontrer en quoi l’EMDR est bien une psychothérapie intégrative.
Dans un deuxième temps, je tenterai de décrire, ce qui en dehors du protocole lui-même, spécifie le processus des stimulations bilatérales alternées. Ce qui distingue l’EMDR d’autres thérapies intégratives, et notamment des thérapies psychocorporelles. Je vous proposerai ensuite d’illustrer mon propos à partir de trois cas cliniques.

I – L’EMDR est bien une psychothérapie intégrative.

1 – Et d’abord comment définir une psychothérapie intégrative ?

Quand je reçois un patient pour la première fois, je lui dis que je l’accueille en tant que personne avec un mental, un psychisme, mais aussi avec un corps et des émotions.
Je lui précise qu’à mes yeux, aucune activité psychique ne saurait exister par « l’opération du saint esprit », qu’elle s’incarne toujours dans un substrat physique sous-jacent qui la matérialise – le corps physiologique. Qu’il s’agisse de neurones, de muscles, d’organes ou de tout autre tissu : ces 100 mille milliards de cellules s’organisent en un tout intégré qui font de lui un être humain.

Dans la suite de FREUD, de REICH, de LOWEN, il est aujourd’hui admis que tout dysfonctionnement, toute difficulté psychique, et donc tout trauma, s’inscrit aussi dans la totalité de la personne : d’abord dans le corps physiologique et dans l’émotionnel, avant de prendre sa place dans notre mental.

Simple ou complexe, tout traumatisme renvoie à de l’information non traitée, en tout ou partie, dans au moins l’un des trois niveaux. Et que pour être résolu véritablement, il convient de traiter la difficulté dans chacune des couches où elle s’inscrit : le corps, l’émotionnel et le mental. Ce qui revient à faire en sorte, que l’information puisse être convenablement traitée par le cerveau, dans chacune des strates correspondantes : reptilien, émotionnel et cortical.

Une psychothérapie intégrative se fixe pour but de traiter la difficulté dans tous les niveaux où elle s’inscrit : le corps physiologique (niveau n), l’émotionnel (n + 1) et le mental (n + 2). Elle postule que c’est bien parce qu’il y a eu un traitement approprié de l’information dans chacun des niveaux impliqués, qu’une intégration du trauma est possible. Ce qui correspond alors à la guérison. Et pour que le niveau n + 1 puisse être traité correctement, il convient que le niveau précédent n, l’ait lui-même préalablement été. Et n +1 traité, n + 2 pourra l’être à son tour. Il y a un emboitement à la manière des poupées russes, qui voit le mental s’étayer sur l’émotionnel et l’émotionnel sur le physiologique. Ce qu’exprime à sa façon Antonio Damasio, quand il évoque un développement plus juste et plus créatif de la pensée, dès lors que l’émotionnel sous-jacent a pu se vivre par l’individu. Et il en est de même d’un émotionnel qui peut se ressentir et s’exprimer, dès lors que la vitalité du corps permet le mouvement et l’accès à la sensation. Nous ne savons que trop en EMDR, que si la personne reste dissociée de sa vie sensorielle, tout traitement devient dès lors impossible.

2 – Sur quel postulat la thérapie EMDR s’appuie-t’elle ?

Lorsque nous nous blessons, il nous suffit de désinfecter la plaie et de la protéger, pour qu’au fil des jours, celle-ci se referme d’elle-même, au fur et à mesure que de nouvelles cellules se forment et s’organisent entre elles. Apparaît alors une cicatrice qui finira aussi par disparaître, si la lésion n’est pas trop importante. Le corps déclenche ainsi de lui-même, des processus d’auto guérison appropriés, afin de reconstituer ses tissus abîmés.

Pareillement, lorsque nous sommes contaminés par un agent infectieux, notre corps se met en état d’alerte (élévation du rythme cardiaque, de la pression artérielle, de la température, etc.) ; puis, aussitôt l’intrus identifié, il fabrique les anticorps spécifiques, afin de détruire les cellules étrangères et amener la guérison.

La théorie EMDR postule que de la même façon, au niveau psychique, nous disposons tous dans notre cerveau d’un système de traitement de l’information, qui nous permet d’intégrer les événements, même les plus douloureux, que nous sommes amenés à vivre. Ce système peut cependant se bloquer, empêchant dès lors tout traitement approprié de l’expérience que nous avons vécue. Cela se produit quand nous sommes confrontés à certaines situations blessantes qui, parce qu’elles ont été trop fortes ou trop répétées, n’ont pu être traitées valablement par le cerveau. Nous retrouvons ici la notion générale du traumatisme.

La thérapie EMDR se propose de traiter le traumatisme qui n’a pas été « digéré » par le cerveau, en remettant en marche, par les stimulations bilatérales alternées, les processus naturels d’auto guérison du système de traitement de l’information.
Ce traitement de l’information permettra alors de dissoudre, puis d’intégrer ce vécu traumatique laissé en suspens, entraînant aussitôt une réorganisation en schémas positifs, tant aux niveaux physiologique et tonico-émotionnel qu’aux niveaux cognitif et comportemental.

3 – Qu’est-ce que j’observe quand je travaille en EMDR ?

Quand je travaille en EMDR et que j’applique les stimulations bilatérales alternées, j’observe diverses manifestations, différentes d’un patient à l’autre : des mouvements du corps quelquefois (des spasmes au niveau des membres, de légers tremblements d’une partie du corps, pouvant aller jusqu’à de plus fortes secousses, etc…). De temps à autre les patients décrivent des courants d’énergie à l’intérieur de leur corps, des contractions, des oppressions, des relâchements.

Ils peuvent aussi faire état de sensations de chaleur, de froid, de tension, de détente, de plaisir, de douleur.

Ils peuvent également évoquer les émotions qu’ils ressentent, et parfois les exprimer de façon plus ou moins intense.

Les patients peuvent décrire des images qui leur viennent spontanément, certaines ayant du sens comme des souvenirs retraçant des épisodes de leur vie, d’autres dont le sens échappe, comme dans les rêves et les cauchemars, où le cerveau semble travailler par métaphores et symbolisations.

Enfin des pensées apparaissent, non construites comme dans une réflexion consciente, mais surgissant plutôt sous forme d’évidences et d’enchaînements spontanés.

A l’observation, le processus de traitement de l’information mis en œuvre dans la thérapie EMDR, provoque bien un travail de la personne dans sa globalité, dans toutes ses dimensions : les mouvements du corps et les sensations perçus attestent bien de processus à l’œuvre au niveau du corps physiologique et du cerveau reptilien ; les affects ressentis, souvent exprimés, parfois juste détectés dans un changement des traits du visage, prouvent bien l’existence d’un traitement émotionnel au niveau du système limbique. Et les images ou les pensées induisent l’existence d’un travail mental au niveau du cortex. Toutes les dimensions de la personne sont impliquées dans le travail thérapeutique, et suggèrent que les trois cerveaux (reptilien, émotionnel et cortical) travaillent en même temps et de concert à la « digestion » du traumatisme.

Pour intégrer l’évènement traumatique, l’EMDR active bien un processus de résolution dans toutes les couches où celui-ci est inscrit ; la thérapie EMDR peut donc être considérée comme une thérapie intégrative. Et c’est bien, à mes yeux, son caractère intégratif qui confère au processus des stimulations bilatérales alternées toute sa puissance thérapeutique.

II – La spécificité de l’EMDR face aux thérapies psychocorporelles

1 – Je prendrai comme référence de thérapie psychocorporelle celle que je pratique, à savoir l’analyse bioénergétique.

L’analyse bioénergétique se propose également de traiter le traumatisme à chacun des 3 niveaux :

– Au niveau du corps physiologique tout d’abord, en le réveillant, en le dégelant même au besoin, afin de réactiver sa fonction perceptive et permettre à la personne de retrouver l’inscription sensorielle de l’évènement traumatique. En reconnectant le patient à son être sensoriel, permettre au processus de guérison de reprendre son cours au niveau physiologique. En analyse bioénergétique, cela se fera en restaurant un meilleur niveau énergétique, à partir d’un travail sur la respiration. Cela se fera également, en augmentant la sensibilité de l’organisme, à partir d’exercices d’étirements, de déverrouillage des articulations et de relâchement des tensions musculaires. Travail d’enracinement qui a pour objectif de permettre au patient de sortir de la dissociation.

– Au niveau émotionnel ensuite. A partir de mises en situation fictives, de mises en scène, il s’agira de lever la répression ou le refoulement, en accueillant et en encourageant la libération des affects, afin de permettre au processus d’intégration émotionnelle de pouvoir s’accomplir.

– Enfin, au niveau de la représentation, le thérapeute accompagnera le patient dans l’élaboration mentale de l’évènement. L’écoute, l’échange verbal dans le lien, permettront de terminer le travail de compréhension et de distanciation de l’évènement.

2 – A l’observation, on peut repérer le même enchaînement en EMDR :

1ère étape : La connexion sensorielle

Il s’agira de retrouver, voire de rétablir s’il y a lieu, la connexion sensorielle au souvenir traumatique. Sans celle-ci, aucun traitement n’est possible, le processus ne s’enclenche pas. Mais que ce soit en analyse bioénergétique ou en EMDR, j’observe que, dès la connexion établie avec le souvenir traumatique, le processus émotionnel s’enclenche aussitôt.

2ème étape : La libération émotionnelle

C’est avec la libération de la charge émotionnelle que semble véritablement commencer la cicatrisation du traumatisme ; celle-ci ouvrant la voie à une réorganisation émotionnelle du vécu traumatique.

Qu’elle soit l’œuvre du refoulement comme dans la névrose, qu’elle soit simplement gelée comme dans un trauma court, l’émotion qui n’a pu s’exprimer reste toujours prisonnière au fond du corps, et n’aura de cesse de vouloir se libérer, en se rappelant à nous, comme des bulles remontant à la surface d’un étang. Bulles d’angoisse, d’anxiété, de peurs, avec à leur suite leur habituel cortège d’images négatives de soi et de comportements d’évitement. L’énergie mobilisée, se trouve retenue et bloquée à l’intérieur de l’organisme, empêchant dès lors tout processus d’intégration. La cicatrisation du trauma ne pourra véritablement s’enclencher, qu’à partir de cette décharge et du traitement émotionnel qui s’en suit.

En analyse bioénergétique, les exercices corporels et les mises en situation proposés, ont d’abord pour objectif de provoquer cette décharge émotionnelle. Comme encourager le patient à crier ou à frapper avec ses bras pour favoriser l’évacuation de la colère.

En EMDR, avec les stimulations bilatérales alternées, cette libération émotionnelle se produit en revisitant l’évènement, souvent même en le prolongeant en prenant appui sur l’imaginaire, mais sans passer par un travail spécifique à même le corps, comme dans la plupart des thérapies psychocorporelles.

La mise en mouvement réelle et concrète du corps n’est plus indispensable. Au besoin, l’imaginaire crée, avec ou sans l’aide du thérapeute, le scénario de décharge nécessaire pour la libération et le traitement de la charge émotionnelle retenue, scénario qui n’avait pu se vivre dans la réalité de l’évènement. L’EMDR court-circuite ainsi toute mise en situation réelle, en invitant simplement le patient à se laisser revivre l’évènement.

Mais cette décharge émotionnelle implique bien pour autant le corps. On pourra alors observer des manifestations plus ou moins intenses et visibles selon les patients. Cela permettra de suivre le processus émotionnel qui se déroule en eux. Certains peuvent pleurer ou être secoué de sanglots, tandis que d’autres verseront juste une larme, voire même n’arboreront qu’un visage triste, mais pourront dire ensuite qu’ils se sont vu pleurer en eux. Dans la colère, je peux observer parfois des spasmes dans leur bras ou dans leurs mâchoires. Je peux repérer des mini tremblements, pouvant aller jusqu’à de plus fortes secousses, quand une terreur fond dans leur corps, et ils pourront alors faire état d’une sensation de froid qui les envahit. Chez d’autres patients, les manifestations sont beaucoup plus discrètes, en apparence peu ou pas de réactions, et seul le récit qu’ils font de leur vécu, peut rendre compte de ce qui se passe réellement en eux. Mais il se passe toujours quelque chose à ce niveau-là.

3ème étape : L’élaboration mentale

La libération émotionnelle ouvre la voie à un processus d’assimilation et d’intégration mentale de l’évènement traumatique.

Il y a une réorganisation des représentations du patient pour prendre en compte toutes les informations apportées par l’évènement traumatique. Ce travail amène le patient à accepter cet évènement comme ayant été vécu, mais faisant désormais partie du passé. Il pourra dès lors s’en distancier et retrouver aussitôt les sentiments de sécurité, de confiance et d’estime de lui, que le traumatisme avait amoindris.

En analyse bioénergétique, l’échange verbal avec le thérapeute, permettra cette élaboration mentale de l’évènement traumatique. Le lien empathique, respectueux du thérapeute pourra bien sûr renforcer la construction d’une nouvelle image de soi. Mais une véritable cicatrisation, nécessitera le plus souvent que le patient s’expose à une situation semblable et la réussisse, pour que le traumatisme soit véritablement dépassé.

En EMDR, avec les stimulations bilatérales alternées, c’est le plus souvent avec la création mentale par l’imaginaire d’un scénario gagnant, que se termine véritablement la cicatrisation du traumatisme.

En EMDR, pas besoin que le patient soit exposé à une situation similaire dans la réalité, et la vive de façon « réussie », pour mettre l’évènement à distance. Avec les stimulations bilatérales alternées, l’imaginaire du patient, avec ou sans l’aide du thérapeute, y pourvoira. Le processus de guérison court-circuite ainsi toute mise en situation réelle. La cicatrisation semble s’opérer par le déroulé et l’inscription dans l’imaginaire du scénario gagnant.

Ce scénario gagnant n’est pas uniquement un scénario mental construit en termes de représentations. Il est aussi un scénario investi dans la sphère tonico-émotionnelle. Le patient vit entièrement sa nouvelle histoire dans tout son être. Les mouvements corporels, les expressions affectives observées sur son visage, attestent bien de ce processus global. Il n’est pas rare de surprendre alors un sourire, une expression d’affirmation très volontaire, ou un lever de sourcils particulièrement évocateur. Cette inscription simultanée dans les réseaux reptilien, émotionnel et cortical, à partir des stimulations bilatérales alternées, permet la fixation durable de ce scénario gagnant, et parachève ainsi la cicatrisation du traumatisme.

 

Je vous propose maintenant d’illustrer, à partir de vignettes cliniques, quelques cas pouvant se présenter.

1er cas : Le scénario gagnant n’est autre que le scénario réel.

Dans un traumatisme court et notamment quand celui-ci s’est bien terminé pour le patient, ce scénario gagnant pourra n’être juste que la représentation de ce qui s’est réellement déroulé, et que le patient retrouve.

Vignette clinique : L’accident : Nathalie

Nathalie ressent une forte angoisse en voiture, depuis qu’elle a vécu il y a quelques mois un accident de la circulation, alors qu’elle se trouvait à côté de son mari qui conduisait. Longue ligne droite, tout est paisible. Soudain une voiture vient en face et peu à peu dérive de sa trajectoire, traverse l’espace médian et leur fonce dessus. Cela constituera la première image pour le traitement EMDR. Dans un réflexe pour éviter le choc, son mari tourne le volant à droite, et la voiture bascule et se retourne dans le fossé. Nathalie gardera gravée en elle, l’image de se retrouver à l’envers dans sa voiture, voir l’eau rentrer par le toit et monter peu à peu. Je lui proposerai de prendre cette image comme seconde cible. Retrouvant ces souvenirs, l’affect ressenti est la panique qu’elle évalue à 9 sur 10 ; la pensée négative qui lui vient « je vais mourir » et la pensée positive « je suis en sécurité » n’est ressentie comme vraie qu’à 4 sur 7.

1ère séance : Je sens Nathalie tout de suite très tendue. Sans attendre, afin de profiter de l’émotion présente, j’entame les stimulations auditives en lui demandant de se laisser revivre toute la scène. J’observerai une détente apparaître sur son visage et dans ses épaules au fur et à mesure de la séance. Voici ce qu’elle m’en dira ensuite : « Ça fait moins d’effet ! Il a cassé la vitre et on est sorti par la fenêtre ! Des témoins ont vu. On a réussi à éviter le choc ! ».

Je poursuis les stimulations en lui demandant de retrouver l’image de la voiture qui leur fonce dessus. Ce qu’elle en dira : « c’est un trou noir, comme si je m’élevais au-dessus de la voiture. Je me sens en sécurité, dans du coton noir ! ».

Puis de recontacter la seconde image quand l’eau monte dans la voiture. Ce qu’elle en dira : « J’ai crié. L’eau s’arrête de monter. Je me vois me glisser par l’ouverture comme une anguille, puis partir normalement. Il y a des gens à côté. Je vois aussi qu’il n’y a pas beaucoup d’eau dans le fossé. »

Je lui demande de revoir à nouveau la deuxième scène. Son récit : « Je vois mon mari s’extraire de la voiture, puis me tendre la main pour m’aider à sortir à mon tour ! »

2ème et dernière séance : Très courte.
A deux reprises, je lui demande de retrouver les deux images cibles de l’accident. Récit de la scène qu’elle voit maintenant : « Ça ne faisait plus peur. Les gens autour applaudissaient quand nous sortions du véhicule. Comme si nous tournions un spectacle ! ».

La perturbation est tombée à zéro. La pensée positive « je suis en sécurité » est à son maximum de 7 sur 7.

J’interprète le « j’ai crié » comme une expression de la panique, même si je n’ai observé aucune manifestation corporelle particulière à ce moment-là.

Avec Nathalie, le scénario gagnant quand elle se voit éviter le choc, sortir indemne par la fenêtre, aidée par son mari ou qu’elle découvre qu’il n’y a pas beaucoup d’eau dans le fossé, n’est autre que le scénario réel, celui qui a eu lieu dans la réalité. Dans le choc traumatique qui l’avait figée, la terreur avait bloqué tout traitement émotionnel et à fortiori mental : l’inscription de la représentation de la réalité n’avait pu se faire. La terreur dégelée, le processus émotionnel reprend son cours. Je peux observer alors un relâchement s’installer rapidement en elle. S’en suit une représentation de l’accident qui lui permet de s’approprier la réalité de ce qui s’est réellement passé. Représentation qui se prolongera ensuite dans une version plus virtuelle, mais aussi plus légère, en se voyant tourner dans un film.

Après ce traitement, Nathalie retrouvera rapidement détente et tranquillité au volant de sa voiture.

2ème cas : Le scénario gagnant sera imaginé spontanément par le patient.

Vignette clinique : Le deuil : Christian

Christian a 60 ans quand il vient me voir. C’est la première fois qu’il consulte un psy. Il vient car son épouse suit elle-même une thérapie EMDR, et « ça lui a fait beaucoup de bien », me dit-il. Il veut donc lui-même faire de l’EMDR.

Familialement comblé avec son épouse et ses quatre enfants, professionnellement gratifié et épanoui dans son activité de médecin spécialiste, il me dit qu’il est heureux, qu’il a plutôt réussi sa vie en exerçant en libéral un métier qui lui plaît, et qui continue de le passionner. Et c’est vrai que je peux observer chez lui une aisance et un réel plaisir à communiquer, à raconter sa vie riche et bien remplie. Épicurien, il semble croquer la vie avec bonheur et pondération à la fois. Le lien se crée rapidement entre nous.

Il sait pertinemment ce qu’il vient travailler en EMDR. Parmi ses ombres au tableau : le décès de son père suite à un cancer. Christian est fils unique. Il a 35 ans à l’époque et il déborde d’activités pour réaliser tous ses projets. Son installation en libéral, son jeune couple et ses deux enfants en bas âge, l’occupent sans relâche. Depuis la disparition de son père, il ne cesse de se demander pourquoi il n’était pas triste lors de son décès, et pourquoi son père ne lui a pas manqué. Il me dit vivre ce questionnement comme un poids perpétuel, qui n’a cessé de faire de l’ombre à sa vie depuis. Il aimerait comprendre et se libérer de ce poids en faisant de l’EMDR. Soit ! Un bref échange permettra d’identifier ce poids, comme étant la manifestation d’un sentiment de culpabilité de n’avoir pas exprimé davantage son amour à son père à ce moment-là. Il se reproche également de s’être senti impuissant à changer le cours des choses à l’époque. Cette perturbation est évaluée à 4 sur 10. La pensée négative qui s’est aussitôt installée en lui après la mort de son père : « Je n’ai pas fait ce qu’il fallait, je suis un mauvais fils! ». La pensée positive qu’il aimerait avoir aujourd’hui : « J’ai fait ce que j’ai pu ». Il la ressent vraie à 2 sur 7.

Nous attaquons les stimulations auditives à partir de deux images : quand il rase son père quelques jours avant son décès, puis quand son épouse le réveille et qu’il le découvre mort dans son lit.

1ère séance : J’observe très vite une détente sur son visage avec de très légers mouvements de la mâchoire inférieure. Il me dira s’être revu lui-même, plus jeune et souriant, avec la présence bienveillante de son père à ses côtés, qui lui disait « tu as fait ce qu’il fallait ». Il me dit que des larmes lui sont venues alors – je ne les ai pas observées.

Deux idées lui viennent à présent. D’abord les soins qu’il lui avait prodigués en le rasant, avaient fait plaisir à son père, il le sent maintenant, il en est sûr ; puis « j’aurais pu m’asseoir à côté de lui sans rien dire ». Je lui propose d’imaginer le faire maintenant, tout en continuant les stimulations auditives. Cette fois-ci, j’observe quelques larmes couler. Il m’en dira ensuite : « c’était très facile, je lui tenais la main ». Un instant après, il imaginera prendre son père dans ses bras pour le réconforter. Puis un flot de souvenirs se succèderont, images de bonheur, me dit-il, comme ce safari en Afrique où il avait emmené son père. Il l’avait alors vu joyeux comme il l’avait rarement vu, laissant exprimer toute sa joie et sa fierté d’avoir tué une oie de Gandie, trophée extrêmement rare au Sénégal. « C’était vachement bien » ajoute-t’il en souriant.

Je continue les stimulations auditives : toujours des images agréables d’amour paternel, comme l’expression de fierté et de pudeur qu’avait manifestée son roc de père, quand il avait été reçu aux examens. Puis des images de lui et son père, tous deux adultes, marchant côte à côte. Je lui fais part alors que c’était plutôt une belle relation qu’ils entretenaient tous les deux. Il acquiesce. Je lui suggère alors de s’imaginer, lui l’adulte d’aujourd’hui, venir dire au jeune Christian qui vient de perdre son père, qu’il s’était bien conduit et qu’il entretenait une belle relation avec son père. Je poursuis les stimulations auditives. « Ça y est », me dit-il enjoué, « je me suis félicité… »

2ème et dernière séance : A partir des stimulations auditives, deux catégories de souvenirs sont remontés : les uns qui l’éloignent de son père, comme ses convictions de l’époque qu’il qualifie de bourgeoises avec des relents de racisme. Les autres, qui au contraire le rapprochent de lui, revoyant son père plus jeune dans les réunions de famille, parlant fort, très convivial, et où il se sentait fier d’appartenir à cette famille ; ou encore les nombreuses activités nature que son père lui faisait partager, comme la pêche, la chasse ou la cueillette des champignons, et dans lesquelles il se sentait heureux et pleinement vivant.

Viendront encore quelques larmes dans la suite de la séance qu’il associera à une émotion positive, me dit-il, ajoutant même : « c’est comme si je le sentais à côté de moi, rassurant. ». A partir de là, plus aucune perturbation, y compris dans la scène où il le découvre mort. La pensée lui vient même alors, comme un message d’espoir, que ce n’est pas fini et qu’ils se reverront un jour.

Plus aucune trace de culpabilité, l’impuissance devant la mort inéluctable est acceptée, la perturbation est tombée à 0, la certitude d’avoir été un bon fils est à son maximum de 7 sur 7.

Chez Christian, le scénario gagnant est un scénario fictif qu’il se crée essentiellement lui-même, quand il se voit tenir la main de son père, le serrer dans ses bras, ou bien encore quand il l’entend lui dire qu’il avait fait ce qu’il fallait.

J’interprète le peu de tristesse à la mort de son père comme la conséquence d’un deuil commencé bien plus tôt, avec l’évolution de sa maladie. Médecin lui-même, Christian n’ignorait rien de l’issue de la maladie son père. Il s’y était préparé depuis longtemps déjà, sans en avoir nécessairement conscience. De plus, ce père que l’on devine très attentionné et aimant, mais qui ne le montre que rarement, semblait lui avoir transmis une grande pudeur quant à l’expression des sentiments. Christian non plus, n’a guère été explicite et expressif quant à ses sentiments dans ce court travail avec moi : rares larmes, dont il ne parlera avec pudeur et retenue, qu’en termes d’émotion positive. Pourtant c’était bien une douce tristesse que je ressentais émaner de lui à ce moment-là. J’ai hésité, mais j’ai choisi ne pas y mettre de mot, préférant juste poser ma main sur la sienne pour l’accompagner.

J’interprète le fait que son père ne lui ait pas manqué, par le fait que sa vie était bien remplie à cette période, mais surtout que Christian était bien construit, ayant acquis les ressources nécessaires, socle d’une autonomie et d’une indépendance totales. Sa base sécuritaire n’était en rien atteinte ou menacée par la disparition de son père. Celui-ci pouvait partir, il volait désormais de ses propres ailes, et les gratifications affectives mais aussi narcissiques qu’il retirait de son couple et de sa famille, de son métier et de ses projets, venaient lui confirmer cette réalité de bien maîtriser sa vie.

3ème cas : Le scénario gagnant sera suggéré par le thérapeute.

Dans la plupart des traumas complexes, le thérapeute accompagne le patient dans ce qu’on pourrait appeler une auto cicatrisation (le tissage cognitif). Par exemple, par la création d’un scénario où l’adulte d’aujourd’hui, avec ses ressources, vient réparer les torts faits à l’enfant ou à l’adolescent. Il pourra, dans son imaginaire, venir s’interposer pour défendre et sécuriser l’enfant qu’il a été. Il pourra de la même façon, l’assurer désormais de sa protection, et substituer ainsi une autre histoire, réussie celle-là.

Vignette clinique : La maltraitance : Marion.

Marion est une jeune femme de 36 ans au moment où elle vient me voir, pour se réconcilier avec l’image de son corps, et faire me dit-elle, la paix avec elle-même. Je remarquerai surtout ses grandes ressources, sa tendance à se sacrifier pour les autres, alliée à un manque d’affirmation de soi. L’agressivité a bien été travaillée en analyse bioénergétique, mais sans jamais pouvoir la relier véritablement au sentiment de colère sous-jacent. Je lui propose de travailler cela en EMDR, en partant notamment de la relation difficile avec son beau-père, qu’elle subira de l’âge de 8 ans jusqu’à son départ du toit familial vers 20 ans. Ses parents se sépareront alors qu’elle a 6 ans. Enfant unique du couple, sa mère obtiendra sa garde, avant de se remettre en ménage avec un homme violent psychologiquement, et que Marion qualifie elle-même de véritable tyran domestique. Il s’emporte pour un rien, crie, insulte, dévalorise… Marion accepte de travailler cette maltraitance subie tout au long de ces années. Nous choisirons comme cible initiale la période où Marion devait aller l’aider, pendant ses vacances scolaires, lorsqu’il faisait les marchés dans la vente de fruits. La moindre erreur ou maladresse de sa part le faisait sortir de ses gonds. L’image initiale : elle laisse tomber un fruit et il s’emporte, vocifère contre elle en plein marché : « tu es une véritable empotée ! » lui assène-t’il.

L’intensité ressentie de la perturbation, lorsqu’elle évoque ces souvenirs maintenant, est évaluée à 8 sur 10. Cette perturbation est faite de peur, d’impuissance, de dévalorisation, d’injustice, du sentiment d’être piégée, mais aussi d’une grande tristesse. La pensée négative est « je suis en danger », et la pensée positive qu’elle aimerait pouvoir y substituer « je suis en sécurité », n’est ressentie comme vraie qu’à 1 sur 7.

1ère séance : Marion a du mal à entrer dans la scène. Elle dit ressentir un état de sidération, de figé, elle ne peut que le regarder, sans rien pouvoir faire ou dire. Elle revoit ensuite défiler à grande vitesse bien d’autres situations analogues. Comme cette fois où il l’avait traitée de fainéante alors qu’elle s’était trouvée mal et avait perdu connaissance. Elle se sent envahie d’un sentiment d’impuissance et d’injustice à la fois, « c’est comme s’il me rouait de coups mais avec des mots » ajoute-t’elle. Elle se souvient qu’elle pleurait tout le temps, qu’elle attendait que ça finisse, qu’elle vivait en permanence dans l’insécurité, la peur que ça recommence… Elle me précise alors : « je me sens entre la veille et le sommeil, comme si mon corps était vidé de son sang, comme une perte de substance, comme si je n’avais plus d’appui au sol ! ». Je note les images qui lui viennent spontanément : « je deviens ratatinée, comme s’il me donnait des coups de pied pour m’aplatir, je n’existe plus, et je vais devoir dépenser une énergie considérable pour me déplier à nouveau ! ». Je lui suggère le mot « terreur »… Lui vient alors le souvenir de ses yeux et de ses grosses mains : « oui il me fait peur, comme un ogre ! ». Enfant, elle rêvait qu’il la frappe, afin de pouvoir le dire à son père qui serait venu la chercher. Je lui parle, nous échangeons, je lui explique et elle me dira avoir vécu ce partage comme une reconnaissance. Je me permettrai d’ajouter : « Et oui vous étiez en danger ! ».

2ème séance : Elle se voit aussitôt plus adulte qu’enfant, oser poser les yeux sur lui avec un nouveau regard. Je lui propose alors de s’imaginer, elle l’adulte d’aujourd’hui, rentrer dans cette scène et venir s’interposer entre lui et la jeune Marion… « OK c’est difficile, c’est comme devant un animal sauvage » me dit-elle. Surmonter sa peur lui a demandé un effort, mais j’observe qu’elle a pu le faire. Je lui propose ensuite de s’imaginer, elle l’adulte d’aujourd’hui, venant sécuriser la petite Marion et l’assurer de sa protection. Elle m’exprime un doute sur sa capacité à la rassurer, mais accepte finalement de se laisser vivre ce scénario. Elle me dira ensuite : « OK, cela a pu se faire », ajoutant « je lui ai dit qu’à moi aussi il me faisait peur ! ». A la fin de la séance, elle exprimera mieux se sentir dans son corps, être plus ancrée dans le sol, et découvrir une image de la situation où elle voit son corps se redresser.

3ème séance : Dès qu’elle retrouve l’image initiale, elle se sent envahie de colère. Spontanément, elle s’imagine lui hurlant dessus mais se retiendra aussitôt. Je lui rappelle que la violence interdite est celle qui est directement exprimée en actes, pas celle imaginée et qui lui appartient. L’interdit c’est le passage à l’acte, pas l’imaginaire. Dès lors, la colère, la fureur même, s’évacueront dans un déchaînement imaginaire : elle se voit renversant l’étalage, tout saccager, lui donner des coups de pied dans le ventre avec un véritable sentiment d’explosion, mais réussissant finalement à l’arrêter dans son agression ! Elle ajoutera à la fin de cette abréaction imaginaire : « C’est possible de se défendre ! ». Elle exprimera aussi avoir perçu sa gorge très serrée au début. Cette sensation finira par se dissiper, laissant place maintenant à un sentiment de liberté et d’exaltation. Suivront d’autres situations similaires avec son beau-père, où elle laissera de la même façon libre cours à la libération de sa colère. En posant ma main sur son épaule, je lui demande maintenant de venir retrouver la petite Marion, qui a dû subir toute cette maltraitance, et se laisser ressentir ce qu’elle aurait envie de lui dire… Cela se fera dans l’émotion, secouée de profonds sanglots. Ce qu’elle lui a dit : « Maintenant je suis là, et je ne laisserai plus jamais faire une chose pareille ! ». Larmes encore, comme un sentiment de tristesse empathique pour la souffrance de la petite Marion. Elle ajoutera à la fin de la séance que son beau-père lui paraît maintenant plus petit physiquement, moins redoutable aussi.

4ème séance : En retrouvant l’image initiale, Marion s’est aussitôt perçue plus droite dans son corps. Spontanément, elle se voit leur dire aux deux, son beau-père mais aussi sa mère qui recolle à ce moment-là au scénario : « Non là ça ne va plus être possible » ! Dans le nouveau scénario qui surgit maintenant, son beau-père se tait. Elle dit éprouver aussitôt un sentiment de force et de fierté devant lui. Elle n’a plus peur de ses cris. Elle reverra alors bien d’autres scènes, où son beau-père se comportait violemment avec elle. Chaque fois, je lui demanderai en tant qu’adulte de venir imaginer s’interposer pour défendre la petite Marion, puis de renouveler son engagement de protection auprès d’elle. Au fur et à mesure que la colère continue de s’évacuer, le sentiment d’impuissance s’atténue, laissant place à une plus grande confiance, une plus grande estime d’elle-même aussi.

5ème séance : Dès l’image initiale, Marion lui a retourné le plateau de pêches sur la tête et a dit à sa mère : « on s’en va ! ». La majeure partie de la séance portera sur l’absence de réaction de sa mère qui ne l’a pas protégée. Viendra alors un immense sentiment de colère contre sa mère, puis des affects de tristesse, et à la fin une grande fatigue. La dernière image, ponctuée de pleurs et de sanglots, sera le souvenir quand sa mère et son beau-père se sont séparés, et où elles iront ensemble manger au Mac Do.

6ème et dernière séance : Elle est très calme. En retrouvant l’image initiale, elle se voit poser le cageot de fruits et lui dire calmement : « Si ça ne te vas pas, tu n’as que le faire toi-même ! », tout en le regardant comme si ça ne la concernait plus. Elle dit se sentir forte face à lui, avec un sentiment de supériorité allié à la sensation de sa force physique. Elle ajoute : « il ne me fait pas peur ! ».

La perturbation est désormais à zéro, la pensée « je suis en sécurité » à 7 sur 7.

Avec Marion, j’interviens davantage pour l’aider à construire un scénario positif, en l’invitant à s’appuyer sur les ressources de sa part adulte, afin d’écrire et d’inscrire une autre fin à la réalité vécue, où l’enfant sera désormais protégée.

En résumé, après le dégel et l’évacuation de la terreur, le scénario d’une reconstruction positive se nourrit émotionnellement chez Marion de l’expression de la colère. Marion puise aussi dans les ressources de l’adulte qu’elle est devenue aujourd’hui, les éléments d’un autre vécu possible, où elle peut se vivre comme un être respecté et protégé. Justement ce qui a fait défaut à la petite Marion, où aucun adulte n’était venu s’interposer pour la protéger. Elle s’appuie désormais sur sa part adulte pour venir protéger l’enfant en elle. Pour finir sur une position à la fois très assurée et très maîtrisée, lorsqu’elle lui dit « Si ça ne te va pas, tu n’as que le faire toi-même ! ».

En conclusion

J’observe que dans les deux thérapies, Analyse Bioénergétique et EMDR, le thérapeute œuvre à déclencher, puis à accompagner chez son patient, un processus naturel d’auto-guérison. Pour ce faire, l’analyste bioénergéticien tente de modifier les paramètres corporels, en augmentant le niveau énergétique, en reconnectant la perception ou en encourageant la libération de l’émotion. Le praticien EMDR vise la même chose par les stimulations bilatérales alternées.

Une fois établie la connexion sensorielle au vécu traumatique, ce processus d’auto-guérison semble se dérouler en deux temps. D’abord dégel du trauma et libération des affects. Puis, dans un deuxième temps, réorganisation mentale des représentations du patient avec distanciation, remise en perspective, et en EMDR, création et substitution d’un scénario gagnant. La résilience semble s’obtenir par l’inscription de ce scénario positif dans le réseau neuronique, lequel viendra alors se superposer au scénario négatif réellement vécu par le patient.

Ce qui ne cesse de m’interpeller, c’est qu’agir directement par les mouvements du corps pour libérer les affects, comme frapper sur un coussin en ressentant la haine, décharge le patient de sa fureur et le voilà apaisé. Mais qu’il s’imagine frapper en éprouvant l’hostilité comme en EMDR, semble le délivrer tout autant de sa charge affective, et là aussi, il obtient l’apaisement. Dans les deux cas, cela ouvre la voie à une élaboration mentale du traumatisme.

Et la même chose apparaît concernant la cicatrisation du trauma. Dans la vie courante, celle-ci s’origine le plus souvent dans le vécu d’une nouvelle séquence d’action réussie. Mais cette cicatrisation peut également prendre naissance, dans la création par l’imaginaire, d’un nouveau scénario gagnant. Comme si exécuter une action, ou s’imaginer l’exécuter, revenait au même et conduisait au même résultat. Pour peu que le déroulé de ce scénario imaginaire implique également l’émotionnel, mais aussi le corps. Je peux observer là aussi des mouvements dans le corps, des variations dans l’expression émotionnelle. Le patient vit l’émotion de son scénario gagnant.

Cela semble confirmer que le processus d’auto guérison fonctionne dans les deux cas. S’agit-il d’un même processus, appliqué à la partie émergente du trauma, et déclenché par un enchaînement de mouvements corporels dans l’Analyse Bioénergétique, par les stimulations bilatérales alternées dans l’EMDR ?

Comme si le cerveau savait ce qu’il avait à faire pour nous guérir du trauma, pour peu que l’on parvienne à créer les conditions adéquates pour cela. Le trauma est bien un évènement où l’information reste bloquée, voire gelée à un niveau physiologique, et ne peut déboucher sur un processus émotionnel et à fortiori mental. Comme si la pensée restait inopérante, car non alimentée par le niveau sensori émotionnel sous-jacent. La thérapie vise à créer les conditions nécessaires permettant le traitement de cette information, sa gestion « naturelle » par les niveaux supérieurs, à savoir émotionnel puis cortical.

Lorsque ce traitement a pu se faire, le traumatisme est intégré. Il devient un évènement comme les autres, sa charge affective a disparu, sa représentation, par l’élaboration permise, a pris un juste sens dans les référentiels de la personne. La perturbation n’existe plus, et le souvenir ainsi intégré peut dès lors être archivé. Il fait désormais partie du passé, en cessant d’être vivant et actuel, comme n’importe quel autre souvenir.